Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/293

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Océan Pacifique au-deçà (sic) du tropique du Cancer, au midi les îles de la mer Atlantique, au levant la Mer du Nord, et au septentrion cette terre qui est dite inconnue vers la mer glacée jusqu’au pôle arctique. » C’était pousser un peu loin les prétentions ; autant valait dire : Nous réclamons la propriété de toutes les terres à découvrir jusqu’à l’Océan Pacifique à l’ouest et au nord ! Cependant il ne faut pas perdre de vue que des Canadiens parcoururent plus tard toutes ces contrées, y fondèrent des comptoirs pour la traite des pelleteries et en prirent en quelque sorte possession, puisque les premiers ils donnèrent des noms aux fleuves, aux lacs et aux baies qu’aucun Européen n’avait visités avant eux.

Le Canada ayant été restitué à la France, Champlain y retourna avec une escadre richement chargée et reprit aussitôt la direction des affaires. Cet homme de bien, énergique et intelligent, qui avait été l’ami de Henri IV et qu’on avait vu pendant trente années se dévouer à la prospérité de la colonie, mourut bientôt après, en 1635, au moment où les jésuites jetaient les fondemens du collège de Québec, et quand des ouvriers industrieux venus des diverses provinces de la France commençaient à s’établir sur les bords du Saint-Laurent. Sept années plus tard, M. de Maisonneuve arrivait au Canada. « Il avait commencé le métier des armes dans la Hollande à l’âge de treize ans, dit un vieux chroniqueur, et avait conservé sa piété au milieu de ces pays hérétiques. Il avait appris à pincer du luth pour passer son temps seul et n’être pas obligé d’aller dans la compagnie des méchans. » Ce personnage à la fois sérieux et doux, remontant le fleuve sans se laisser intimider par le voisinage des Iroquois, éleva une bourgade entourée de palissades, qu’il nomma Ville-Marie. Il y appela les sauvages chrétiens et ceux qui voulaient le devenir, et leur enseigna l’art de cultiver la terre. La bourgade nommée d’abord Ville-Marie est le berceau de la noble et grande ville de Montréal. À cette même époque, la duchesse d’Aiguillon faisait construire l’Hôtel-Dieu de Québec, et une jeune veuve de distinction, Mme de la Peltrie, commençait à bâtir le couvent des Ursulines, où elle s’enfermait pour le reste de ses jours.

Ces pieuses fondations, dont le Canada s’honore encore aujourd’hui, ne s’élevaient pas au sein de l’abondance et de la sécurité que procure la paix. Les colons avaient semé du blé pour la première fois en 1644, et, vu le petit nombre des cultivateurs, la récolte était bien faible. De plus, les Iroquois, devenus puissans depuis la défaite des Algonquins et ennemis des Français, qui avaient soutenu ceux-ci, se glissaient par troupes nombreuses si près des fermes, que le paysan canadien n’allait plus aux champs sans emporter son mousquet avec lui. Munis d’armes à feu que leur avaient vendues les Hollandais de la Nouvelle-York, ces terribles sauvages menaçaient la colonie sur tous