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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 juin 1853.

Tel est le caractère de ces questions immenses qui ouvrent tout à coup de si étranges horizons pour le monde, en le mettant dans la cruelle alternative de la paix ou de la guerre : on les retrouve partout, sous toutes les formes, suspendant tous les intérêts, dominant les situations. Elles finissent par lasser et épuiser l’attention. Les notes diplomatiques, les mémorandums, les ultimatums, se multiplient et ne les éclairent guère davantage. Les affaires d’Orient ont cela de particulier aujourd’hui, qu’elles sont arrivées à un point où d’un côté il y a un ensemble de faits et de complications dont la guerre semblerait le dénoûment invincible, tandis que d’un autre côté il y a dans l’opinion publique européenne une singulière obstination de confiance dans le maintien de la paix. La guerre apparaît presque comme le seul résultat logique de ces difficultés, et on n’y veut point croire ; on n’y croit pas parce qu’on ne saurait s’arrêter à la pensée que de grands gouvernemens risquent avec une telle légèreté ou un tel aveuglement le repos du monde, parce que tout dit qu’un conflit serait sans motif, qu’un recours à la force serait illégitime, parce qu’enfin au-dessus de la logique des passions et des ambitions qui peut mener à la guerre, il y a la logique des grands intérêts de l’Europe qui mène à la paix. Que disent donc en ce moment les faits relativement à l’Orient ? Ils montrent la situation sous le même aspect, la Russie persistant plus que jamais dans ses prétentions excessives, la Turquie conservant son altitude de résistance, l’Angleterre et la France poursuivant une politique commune en continuant à prêter à l’empire ottoman l’appui de leur nom, de leurs conseils et au besoin de leurs flottes. Seulement cette situation touche de plus en plus à son extrême période. Un dernier ultimatum de la Russie transmis au divan vient de rencontrer un nouveau refus de la Porte. Après le départ précipité du prince Menchikof, ce qui restait de la légation russe à Constantinople quitte aussi le sol turc. Il semblerait, par suite, que