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Pour faire face à ces engagemens, il y a un encaisse métallique de 412,501,700 francs, plus un portefeuille commercial d’environ 364 millions. Le reste de la garantie consiste dans la créance non remboursable de la banque sur le gouvernement britannique.

Si les choses se maintenaient dans cet état, les inquiétudes qui existent dans les hautes régions de la finance européenne ne tarderaient pas à se dissiper, et la spéculation retrouverait tel entrain communicatif qui depuis un an a fait la fortune de tant d’entreprises Mais si, comme beaucoup de gens le craignent, les dernières mesures sont insuffisantes ; si, pour rappeler l’argent sur le marché de Londres, la Banque d’Angleterre est obligée d’opérer une nouvelle contraction, les financiers influens, les grands industriels, craindront que la crise monétaire ne dégénère, connue en 1839, on crise commerciale : on se tiendra sur la réserve ; on hésitera à s’engager dans des opérations nouvelles, et les valeurs anciennes, faiblement soutenues, auront à traverser une phase de décroissance.

Les personnes qui n’ont pas coutume d’envisager par ce côté les affaires de bourse penseront sans doute que nous attribuons une importance exagérée aux embarras de la place de Londres. Ne l’oublions pas : si les grands résultats arrivent par de petites causes, c’est surtout en matière de banque et de crédit, que font les banques pour rappeler les espèces quand l’exportation des métaux précieux tend à rompre l’équilibre nécessaire entre la monnaie métallique et la somme des engagemens ? Les directeurs de la Banque d’Angleterre l’ont dit eux-mêmes dans un mémoire présenté en 1832 à la chambre des communes : "L’or ne peut être ramené de l’étranger que par l’abaissement du prix de toutes les marchandises, » Voici comment ce remède héroïque est pratiqué. On limite les crédits qui alimentaient les spéculations, et on élève le taux de l’intérêt. Les négocians et les entrepreneurs, privés tout à coup des ressources sur lesquelles ils comptaient, en arrivent bientôt aux expédiens pour réaliser les fonds dont ils ont le plus urgent besoin : ils offrent au rabais les marchandises et les titres qu’ils possèdent. Une baisse générale, se déclarant sur toutes les valeurs, offre matière à un nouveau genre de spéculation. Il devient plus avantageux et plus sûr d’acheter à l’intérieur des marchandises au-dessous du cours que de risquer son argent dans des opérations lointaines et chanceuses. Les capitalistes se hâtent donc de retirer les fonds qu’ils ont engagés à l’étranger. En même temps les négocians importateurs, qui avaient donné des ordres en temps de hausse, craignent d’acheter au-dessus des nouveaux cours, et se hâtent d’envoyer contre-ordre à leurs agens. Au lieu de se couvrir des marchandises exportées par des achats de matières exotiques, on fait les retours en métaux précieux. Par l’effet de ces manœuvres, l’or et l’argent disséminés au loin rentrent de toutes parts. La circulation monétaire redevient surabondante, la banque reçoit des dépôts comme par le passé, relève son encaisse à un chiffre normal, et reprend majestueusement le cours de ses opérations ; mais le commerce et l’industrie ont subi des pertes écrasantes.

Ce n’est pas de la théorie pure que nous faisons ici. Nous racontons l’histoire de la crise qui a désolé l’Angleterre de 1837 à I839, crise dont la chambre de commerce de Manchester a consacré le souvenir dans un document des