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quelques aperçus justes ou spirituels ne suffisent point pour donner de l’intérêt à une polémique qui ne conclut pas.

Il en est autrement d’une suite de vingt-quatre lettres réunies plus tard sous le titre de Remarques sur l’histoire d’Angleterre, par Humfrey Old Castle. C’est un ouvrage qu’admiraient Chatham et Chesterfield, et, quoiqu’il ait valu à son auteur le titre de démagogue que lui donne Disraeli, il mérite une véritable estime comme tableau historique de la constitution anglaise. On conçoit, en le lisant aujourd’hui, que tant que le Craftsman publia ces lettres, son succès ait dépassé celui même qu’avait obtenu le Spectateur. Ce journal paraissait dans un moment où la force de l’administration et la popularité de sa cause, sinon de ses membres, avaient découragé, attiédi du moins l’esprit d’opposition, lui le réveillant par la hardiesse et quelquefois par le talent de ses écrivains, le Craftsman avait provoqué la colère du pouvoir et de son parti. L’opposition était factieuse ; la licence de la presse était à son comble ; l’état était en danger, la constitution subvertie. On connaît ces déclamations obligées des gouvernemens. Bolingbroke répliquait : « L’esprit de liberté n’est pas l’esprit de l’action ; c’est l’esprit de liberté que le nouveau journal a ranimé. Lui seul est l’âme de la constitution. L’histoire entière de l’Angleterre le montre toujours présent, toujours en progrès, et ce n’est que lorsqu’il s’éclipse que l’esprit de l’action l’emporte. » Tel est le thème vrai et libéral que Bolingbroke développa par les argumens connus. On est surpris de voir l’ancien chef tory, l’ancien ministre du prétendant, plaider avec force et clarté les principes de la franche liberté, et, reprenant les traditions nationales au temps des Saxons, au temps des Bretons même, descendre jusqu’aux Stuarts pour combattre à fond les doctrines inaugurées par Jacques Ier et pour leur imputer les fautes et la perte de Charles Ier. L’écrivain s’arrête à la première révolution, mais sa thèse est suffisamment établie. On trouvera dans cette composition la suite et l’unité, l’intelligence de l’histoire, une idée générale largement développée, une fierté de langage qui plait. Sans doute c’est un lieu commun de la politique libérale, mais il venait à propos, et nous-mêmes, nous écrivons dans un temps où ces sortes de lieux communs ont tout le piquant des paradoxes.

Les temps qui s’étaient écoulés depuis la première révolution furent étudiés dans la Dissertation sur les Partis. C’est, selon Goldsmith, le plus estimé des ouvrages de Bolingbroke, le plus travaillé et le plus admirablement écrit selon lord Brougham. Publié par lettres dans le journal, il fut réimprimé avec son nouveau titre en 1735. Une longue et habile dédicace à Walpole servit d’introduction. Dans