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chez Madame, et qui jusque dans sa retraite vivait d’intrigues. L’abbé de Thésut, secrétaire du régent, visitait les deux associées, et c’est avec elles qu’Ormond négociait, trahi par l’une d’elles, peut-être par toutes deux, persuadé qu’il avait le secret du régent, à qui sans doute il livrait le sien. Encouragé on ne sait comment, pressé par les jacobites de l’Angleterre, lui-même prit les devans et s’embarqua dans un port de Normandie, tandis que le prétendant se rendait en Bretagne. Il descendit en Devonshire avec une quarantaine d’hommes, et n’y trouva ni un combattant ni un asile. Quelques arrestations avaient suffi pour réduire à l’impuissance tout son parti. Ormond se rembarqua précipitamment et vint rejoindre le prétendant à Saint-Malo. Une tempête fit échouer une seconde tentative ; mais quoique les nouvelles de l’Écosse même fussent peu encourageantes, on jugeait qu’il était de l’honneur du prince d’entreprendre quelque chose. Olive Trant, qui avait accompagné Ormond jusqu’à la mer, était revenue à Paris, et elle fit alors prier Bolingbroke de se rendre à la maison de Madrid. Il l’y trouva avec Mlle de La Chausseraye, apprit d’elles une partie de leurs secrets, et fatigué de ne rien obtenir du cabinet par les voies officielles, il résolut d’user de la voie détournée qui s’ouffait à lui. Il obtint dès l’abord de meilleures paroles, et même un billet signé du régent, en apparence écrit pour une femme, et qui, moyennant interprétation, pouvait être envoyé au comte de Mar. Le prince consentit même à une entrevue avec un gentilhomme venu d’Angleterre, à qui l’on promit des armes, et qui n’emporta rien qu’un peu d’argent fourni par l’Espagne ; car l’Espagne ; fidèle à la politique de Louis XIV, paraît seule avoir prêté aux Stuarts une assistance sincère, mais plus sincère qu’efficace. Aux plaintes de Bolingbroke, on répondait à Paris qu’il était soupçonné de voir secrètement lord Stair. Il voulut savoir à quoi s’en tenir, et il pria Berwick de s’en expliquer avec le régent. Le maréchal pensait comme lui, il jugeait Ormond comme lui, il avait même allégué sa qualité de sujet du roi de France pour décliner obéissance à l’ordre de se rendre en Écosse que le prétendant lui avait donné. Il vit le régent, qui convint que Bolingbroke lui avait été dénoncé, ajoutant qu’il ne croyait point à ce qu’on lui avait dit, mais qu’il lui en voulait seulement de choisir pour arriver à lui l’intermédiaire de certaines intrigantes qu’il qualifia avec sa liberté ordinaire de langage. Peu après, il consentit à voir Bolingbroke ; il lui parla du même ton, ne laissa rien percer de ses intentions à l’égard des Stuarts, et lui défendit d’avoir aucun rapport avec les dames du bois de Boulogne. Cependant plus tard Ormond affirma à Bolingbroke qu’il ne lui avait caché toute cette intrigue que par l’ordre du régent ; c’est probablement aussi par l’ordre du régent qu’elles s’étaient mises en rapport