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aurait voulu des assurances formelles de la part de la France, des renseignemens positifs sur les moyens de succès dans la Grande-Bretagne ; mais, à la première sommation de l’ambassade anglaise, le régent faisait désarmer les bâtimens préparés dans le port du Havre, et l’on n’écrivait rien d’Angleterre, sinon qu’il fallait que l’héritier des Stuarts se pressât d’agir et de paraître. Dénués de ressources et pleins d’espérances, les jacobites prenaient sa présence pour une force magique, et comptaient sur elle pour accomplir ce qu’ils ne savaient comment entreprendre. Cependant le comte de Mar, plus résolu et mieux assuré de l’appui des fidèles Écossais, était parti pour les hautes terres le lendemain d’un jour où il avait assisté au lever de George Ier, et il commençait à tenir la campagne, quand le ministère, qui se défendait avec énergie et qui avait fait suspendre l’habeas corpus, demanda à la chambre des communes d’autoriser, avant sa prorogation, l’arrestation de six membres, parmi lesquels on comptait sir William Wyndham. C’était l’ami de Bolingbroke, et après lord Lansdowne, également arrêté, le correspondant peut-être sur lequel il eût le plus compté. Ainsi donc en Écosse une tentative avant le temps, en Angleterre rien de prêt ; cette situation n’était pas encourageante, Bolingbroke soupçonnait que le plus sage eût été de tout ajourner ; mais cette sagesse n’allait nullement à son parti : on faisait au prétendant un point d’honneur de s’engager dans l’action. L’humeur du duc d’Ormond était d’entreprendre. Il avait de la bravoure sans fermeté ni constance, et du mouvement d’esprit sans solidité ni coup d’œil. Quoiqu’il logeât avec Bolingbroke et qu’ils se vissent sans cesse, il se concertait peu avec lui ; il se défiait des procédés diplomatiques et peut-être des intentions de l’ancien ministre ; il voyait, et rien n’était plus visible, que le régent avait plus de goût pour les plaisirs que pour les affaires, et il concluait, ce qui était moins vrai, que l’on pouvait par les plaisirs influer sur les affaires, et que la plus puissante des négociations serait celle que dirigerait une main de femme. Dans cette multitude empressée qui se mêlait des affaires des Stuarts, les femmes avaient toujours joué un rôle. Le nom compromis de Fanny Oglethorp était souvent cité. Il y avait une certaine Olive Trant, qui, se destinant à être carmélite, cherchait à se détacher par la satiété des soins et des joies du monde. Elle avait, du vivant de la reine Anne, passé en Angleterre avec quelque mission du prétendant, s’y était liée avec le duc d’Ormond et en avait ramené une personne dont la beauté répondait apparemment à ses projets. Elle parvint à la faire connaître au régent, et entra ainsi en correspondance et même dans une certaine familiarité avec lui. Il la logea à Madrid, dans le bois de Boulogne, chez une vieille demoiselle La Chausseraye, qui avait été fille d’honneur