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tombe ici tous les jours une averse dans l’après-midi. À l’époque de l’année où nous sommes, il n’y a rien de pareil ; cependant chaque soir on s’aperçoit d’un certain trouble qui n’est pas suffisant pour altérer la sérénité du temps, mais semble toujours la menacer.

La pureté de l’air, ici comme en Égypte, est accompagnée d’une extrême sécheresse. Les cigares se cassent comme nos chapeaux de paille se cassaient sur le Nil. On ne sait ce qu’est l’humidité ; cette extrême sécheresse et les orages quotidiens de l’été l’alignent les organisations délicates et surtout les personnes nerveuses. Ces dernières ne peuvent vivre à Mexico.

Ce qui est particulier à Mexico et ne se trouve mille part aux États-Unis, c’est qu’au bout de chacune de ces rues larges et droites, on aperçoit une montagne, comme dans certaines petites villes des Alpes ou des Pyrénées ; mais ici le spectacle, frappe davantage, parce qu’où est dans une plaine et dans une ville de cent cinquante mille âmes. Imaginez qu’au bout de la rue du Faubourg-Saint-Honoré ou de la rue du Bac on aperçoive un sommet bleuâtre s’élevant à dix mille pieds : on avouera que ces rues gagneraient à la perspective.

Les faubourgs sont tristes et ont l’air assez misérable. On ne s’y doit risquer vers le soir qu’avec précaution. Il arrive parfois qu’aux portes de la ville un cavalier qui passe à vingt pas de vous, vous lance subtilement le lazo : c’est une corde enroulée au pommeau de la selle et avec laquelle il vous atteint comme un bœuf ou un cheval sauvage, vous entraîne et vous assassine un peu plus loin tout à son aise. Un voyageur anglais raconte qu’il n’a échappé qu’à grand’-peine à ce danger. Le lazo est, comme on voit, une arme qui peut être mortelle, et cela est si vrai, que pour avoir le droit d’en être muni on a besoin d’un port d’armes.

Mexico est une grande ville espagnole qui a l’air plus imposant, plus majestueux, plus capitale qu’aucune cité d’Espagne, sans en excepter Madrid. Surmonté de ses nombreux clochers et environné d’une vaste plaine terminée par des montagnes, Mexico rappelle un peu Rome. Ses grandes rues droites, larges, régulières, lui donnent une apparence assez voisine de celle qu’offre Berlin. Il a aussi quelque chose de Naples et de Turin, avec un caractère qui lui est propre. Mexico fait penser à plusieurs villes d’Europe, et diffère cependant de chacune de ces villes. Il rappelle tout et ne ressemble à rien.

Quand on va dans la rue des Plateros[1] et dans le quartier marchand, dont elle forme le centre, on a le plaisir d’entendre parler français dans presque tous les magasins. Les Français sont assez nombreux à Mexico. Ils y font le commerce d’orfèvrerie ou de modes ;

  1. La rue des Orfèvres, mot à mot des argentiers.