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on ne tirera en réalité que 3 francs 31 cent. 4/5, l’intérêt fixe ne fera même que de 2 francs 61 centimes la première année, et de 3 francs 04 centimes la seconde. Au cours actuel des obligations foncières (1,035, avec déduction de 5 francs pour l’intérêt échu, soit 1,030), le revenu fixe correspond à 2 francs 91 cent. 1/3. Ce n’est pas tout : le Crédit foncier de France rembourse ses actionnaires, non pas au pair, comme l’entreprise rivale, mais avec une plus-value de 20 pour 100 ; ce qui est non pas une chance fugitive et illusoire comme celle des loteries, mais un revenu certain, quoique différé, équivalant à un intérêt de 40 centimes pour 100 francs. La rente positive, au cours du jour, est donc d’un côté de 3 francs 31 cent. 4/5, et d’autre côté de 3 francs 31 cent. ¼. La différence est imperceptible.

Reste l’amorce dont le bon public se montre si friand, le billet de loterie. Marseille et Nevers se vantent d’élever les lots dans la proportion de 75 centimes par 100 francs de capital. La grande société de Paris n’accorde aux chances aléatoires que 60 centimes les deux premières années, et 40 centimes pour le reste de la période d’amortissement ; mais, dit-on de ce côté, en fait de loterie, ce qui enflamme le public, c’est l’importance des lots, c’est la douce espérance de se réveiller riche un beau matin. Pour les deux petites sociétés, le plus gros lot est de 50,000 francs, et sur vingt-cinq gagnans vingt n’ont que 1,000 fr. Avec le Crédit foncier de France, le gros lot est de 100,000 fr. ; les moindres lots sont de 5,000 francs. Et puis la compagnie parisienne s’engage à distribuer toujours le même nombre de lots entre les porteurs d’obligations non remboursées : c’est-à-dire que les chances de gain augmenteront à mesure que le nombre des prétendans diminuera, de sorte qu’au dernier tirage, 4,000 personnes seulement auront 800,000 francs de lots en perspective. En sera-t-il de même dans les tirages de Marseille et de Nevers ? On ne s’est pas explique à ce sujet.

En reproduisant ces commentaires des joueurs, nous sommes des échos passifs. ; nous ne nous prononçons pas sur les avantages des divers systèmes. Nous ne dissimulerons pas néanmoins que ces calculs si compliqués, ce ballottage de chances, cette subtilité à chatouiller les instincts cupides et la passion du jeu, fléaux de notre temps, nous confirment dans la répugnance que nous avons pour les loteries appliquées à de grandes et sérieuses affaires.

En résumé, il est probable que les Crédits fonciers de Marseille et de Nevers trouveront leurs 48 millions, parce que leur emprunt, extrêmement morcelé, est présenté de manière à affriander un public nouveau, celui des caisses d’épargne.

Le Crédit foncier de France, de son côté, a déjà réalisé 40 millions par l’appel d’un premier cinquième. Un nombre assez grand de souscripteurs, désirant se mettre en règle en échangeant les billets-promesses contre des litres hypothécaires, offrent d’effectuer le versement complémentaire de 800 francs. À ceux-ci, on délivrera, s’ils le désirent, des coupons de 100 fr. portant intérêt de 3 pour 100 et payables au porteur[1]. Au moyen de ces

  1. Quand une obligation sera remboursable, chacune des coupures de 100 francs sera liquidée à 120 troncs. Roui les tirages de loterie, le gain entier sera attribué à une seule des coupures. Avant le tirage général, le hasard désignera la série gagnante. Supposons le numéro 5 sorti de l’urne où sont les dix numéros de série, toutes les coupures portant le numéro 5 et appartenant aux obligations favorisées par le soit gagnent la totalité du lot au détriment des neuf autres.