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d’hypothèques[1], considèrent comme très facile d’y placer 6 millions par année ; mais, indépendamment de la routine et de l’inertie, combien d’empêchemens qu’on ne pouvait prévoir ! Les uns, par fausse bonté, préfèrent l’emprunt mystérieux fait chez le notaire ; d’autres craignent de s’engager avec un créancier qui n’accorde pas de répit ; le plus grand nombre n’a pas de pièces régulières à produire. Les premiers travaux du Crédit foncier de France ont révélé un fait à peine croyable : c’est que dans nos campagnes un nombre considérable de familles possèdent la terre sans titres valables, et sous la sauvegarde de la notoriété publique. L’abus a causé de tels embarras, que des notaires sollicitent, comme une mesure d’ordre public, un renouvellement général des titres de propriété, en forçant chacun à se mettre en règle pour l’avenir.

Ces difficultés expliquent pourquoi le Crédit foncier de. France, malgré l’avantage qu’il aurait à multiplier ses placemens, n’a pu distribuer qu’une trentaine de millions. Nous ne savons pas si les banques foncières de Marseille et de Nevers rencontreront les mêmes résistances. Ce qui est certain, c’est que si, ne trouvant pas à placer chacune leurs 6 millions par an, elles restaient nanties de fonds sans emploi, elles auraient d’autant plus de peine à les faire valoir provisoirement, qu’elles empruntent à un taux plus fort. Elles se vantent, dans leurs réclames, de donner plus que la rente sur l’état et les caisses d’épargne ; mais, qu’on le remarque bien, ce n’est pas seulement 4 fr. 40 c. qu’elles auraient à recouvrer. Les souscripteurs devant participer aux chances complètes de la loterie avant même qu’ils aient complété leurs versemens, la société supportera une redevance, équivalant à un intérêt de 6 francs 65 cent, pour la première année, de 5 francs 10 cent, la seconde, et de 4 francs 65 cent, la troisième.

C’est sans doute pour éviter de se charger d’une masse de fonds, et aussi pour se mettre à la portée des petites bourses, qu’on a réparti sur quatre années le versement de la modique somme de 100 francs ; mais ce mode, d’emprunt a l’inconvénient de reculer la délivrance des lettres de gage. Pendant quatre ans, le créancier n’aura qu’une simple promesse ; son prêt ne sera pas gagé hypothécairement ; la garantie principale restera suspendue. Le Crédit foncier de France a aussi distribué des promesses ; mais, en vertu d’une décision récemment prise, on a la faculté de compléter les versemens, afin de régulariser immédiatement les titres. Remarquons d’ailleurs que la société parisienne, qui a émis des titres provisoires seulement pour 40 millions, a dans ses coffres un fonds social de 15 millions en espèces réalisées : la garantie est ici surabondante.

Quant aux revenus offerts aux capitalistes, une polémique assez aigre s’est engagée à la Bourse et dans les journaux entre les partisans des diverses sociétés. Ceux qui tiennent pour Nevers et Marseille font valoir la supériorité de l’intérêt fixe, qui est de 3 francs 65 cent, par an ; mais on objecte qu’il faut payer en surcharge la prime de commission, qui est de 10 francs, et qu’ainsi

  1. Les inscriptions hypothécaires dans les trois départemens du ressort de la société nivernaise s’élèvent à 345,599,280 francs. Pour les trois départemens de la société marseillaise, elles sont de 374,108,680 francs.