Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/1029

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


Séparateur


31 août 1853.

On est si fort accoutumé avoir sans cesse de nouvelles péripéties sortir de l’affaire d’Orient, que malgré tout il semble toujours subsister quelque doute sur le dénoûment réel de cette crise. Au moment même où la diplomatie touche péniblement à son but, on en est peut-être encore à se demander si c’est bien cette fois la vraie, la bonne solution. Ce n’est pas même, bien entendu, de la solution définitive qu’on se préoccupe beaucoup : celle-là, il faut la recommander à Dieu et au temps, ces deux grands maîtres des choses humaines ; elle viendra quand elle pourra et dans la mesure de ce qu’on aura fait pour la préparer, pour la rendre bonne ou mauvaise ; — non, c’est à la solution du moment qu’il s’attache une sorte de doute inquiet, à la plus urgente, à celle qui peut conjurer aujourd’hui une conflagration universelle et gigantesque. C’est au point de vue de cette solution actuelle qu’il semble toujours que rien n’est fait tant qu’il reste quelque chose à faire. Tant que quelque acte patent et décisif ne vient point montrer les difficultés aplanies, le fatal génie des conflits désarmés, les relations de la Russie et de la Porte, replacées dans leurs conditions normales, on croit à la paix sans doute, mais on y croit sans trop d’illusions peut-être, avec un reste de méfiance et un sentiment d’attente pour ainsi dire. Si la conférence de Vienne, représentant une sorte de haute médiation de l’Europe, s’arrête aux termes d’un arrangement qui concilie tout, on attend impatiemment l’acceptation des gouvernemens intéressés ; si l’adhésion de la Russie est connue, on attend encore ce qui viendra de Constantinople : si enfin on est d’accord sur le fond des choses, sur ce qui faisait le principe même de la querelle, l’impatience publique se rejette vers quelque autre point resté douteux, par exemple la manière dont l’armée russe évacuera les principautés du Danube. L’opinion européenne assiste ainsi à l’apaisement de ce triste différend en parcourant l’échelle de toutes les impressions. C’est le plus sensible témoignage de l’importance de cette question orientale, qui est venue peser comme un cauchemar sur l’Oc-