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Je ne sais si le prince gagna ce procès, mais il se mit à faire des fouilles et trouva des vases qu’il vendit 700,000 francs. Les principales découvertes eurent lieu sur les bords de la Fiora, petit fleuve en miniature qui sépare l’État Romain de la Toscane, et qui, après avoir coulé dans un lit de rochers calcaires, va se jeter à la mer sous Montalto. On trouva surtout beaucoup de vases et de bronzes dans une colline factice nommée la Cucumella par les gens du pays, et dans l’espace situé entre la Cucumella et la Fiora. En 1835, on fouilla dans la ville même de l’ancienne Vulci, sur la rive droite de la Fiora, et on y trouva, entre autres objets précieux, une magnifique statue de bronze qui fut achetée par le roi de Bavière.

Mais pour en revenir aux 700,000 francs reçus par le prince en échange de ses vases, ce furent l’Angleterre et l’Allemagne qui payèrent avec plaisir cette somme énorme ; la France n’y participa que pour 5,000 francs, tant le goût des arts est encore incertain chez nous lorsqu’il n’est pas fortifié par la mode. Or comment les pauvres vases de Corneto auraient-ils été à la mode ? Ils n’étaient protégés par personne. Un savant étranger m’a appris que le numéro du Moniteur du 28 juillet 1830, le dernier Moniteur du règne de Charles X, imprimé au milieu de la bataille et qui, comme de raison, n’en dit mot, contient une longue lettre qui explique assez bien ce que c’est que les vases de Corneto, comme quoi il y en a de tout noirs, d’autres qui présentent des figures noires sur un fond orange, d’autres enfin qui ont des figures oranges sur un fond noir. J’ai scandalisé le savant étranger en lui disant qu’on ne lit jamais dans le Moniteur que les ordonnances qui nomment les ministres ; que, quant aux articles littéraires, on leur trouve je ne sais quoi d’officiel et d’illisible. J’ai ajouté que les antiquités ne seront jamais à la mode en France, par la raison que certains charlatans trop connus s’en sont emparés comme de leur domaine. En France, pays du charlatanisme et de la camaraderie, personne ne veut être dupe des charlatans trop connus.

Il y a une raison plus invincible pour que les antiquités ne soient jamais véritablement à la mode à Paris : il faut une certaine attention pour les comprendre. Cette attention profonde qui nous manque fait le grand mérite des Anglais et l’unique mérite des Allemands : ces peuples-là, pour se venger de notre esprit et se consoler de ce que depuis dix ans leurs théâtres nationaux ne jouent que des pièces de M. Scribe, nous appellent légers.

Je ne serai point injuste envers ces messieurs ; je ne leur disputerai point leur goût véritable pour les antiquités. Le roi de Bavière, après avoir fait acheter des vases de Corneto et de Canino pour plusieurs centaines de mille francs, est venu lui-même visiter les six tombeaux ouverts à Corneto. Il a voulu se les faire expliquer dans le