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indiquer que, dans cette nouvelle lutte ; l’énergie, l’habileté, la fortune ne se trouveraient plus du côté où, depuis quarante ans, on les avait toujours vues, Guillaume comprit qu’il était temps d’intervenir. Le 7 septembre 1701, dix mois après la mort de Charles II, le traité qu’on a appelé depuis celui de la grande alliance, fut conclu à La Haye, entre l’empereur ; l’Angleterre et les Provinces-Unies. L’objet de ce traité, c’était de procurer une satisfaction à l’empereur et de donner des garanties, tant territoriales que commerciales, aux puissances alliées. On ne se proposait pas encore de détrôner Philippe V au profit de l’archiduc Charles, comme on y pensa plus tard, lorsque les revers de la France eurent inspiré plus de confiance aux coalisés ; mais on voulait faire des Pays-Bas une barrière en faveur des Hollandais, mettre l’empereur en possession du Milanais, des Deux-Siciles, des forteresses de la Toscane, et donner aux Anglais et aux Hollandais les plans qu’ils conquerraient, dans les Indes ; on s’engageait aussi à empêcher l’union de la France et de l’Espagne sous le même sceptre et la cession à la France d’aucune partie des colonies espagnoles. Telles étaient les stipulations, tel était le but du traité. Il était à peine signé et il n’avait pas encore reçu de publicité, lorsqu’un événement inattendu vint surexcitée l’irritation dont le peuple anglais commençait à être animé contre la France et prêter par conséquent un nouveau point d’appui à la politique de Guillaume III. Jacques II étant mort dans sa retraite de Saint-Germain, Louis XIV, entraîné par un faux sentiment de grandeur et de générosité, consentit à reconnaître son jeune fils en qualité de roi d’Angleterre. Vainement le cabinet français prétendit établir, par des raisonnemens subtils et par les précédens plus ou moins concluans, que cette reconnaissance était un acte de pure courtoisie, auquel on ne devait attacher aucune importance ; Guillaume, y voyant ou affectant d’y voir une violation du traité de Ryswick, par lequel la France l’avait reconnu connue souverain de la Grande-Bretagne, rappela sur-le-champ l’ambassadeur qu’il avait encore à Paris, en lui prescrivant de ne pas prendre, congé. La nation anglaise considéra comme une insulte le droit que s’arrogeait un prince étranger de proclamer un roi d’Angleterre ; un mouvement général d’indignation patriotique imposa silence à ceux qui auraient pu vouloir encore s’opposer à la guerre, et s’il n’est pas vrai, comme on l’a dit quelquefois, que le procédé imprudent de Louis XIV ait été la cause déterminante de cette guerre, on peut affirmer au moins qu’il assura à Guillaume l’appui unanime de tout ce qui n’était pas jacobite déclaré.

Tel fut le triste dénouement de ces longues négociations suivies avec tant d’habileté et, je le répète, avant tant de sincérité dans l’intention de maintenir la paix en garantissant l’équilibre de l’Europe.