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à des stipulations si avantageuses pour la maison d’Autriche, Louis XIV négociait aussi, d’une part, avec le duc de Lorraine, pour qu’il consentît à échanger son duché contre le Milanais, de l’autre, avec le duc de Savoie, pour qu’il cédât au dauphin la Savoie et le Piémont en échange des Deux-Siciles. Suivant un autre projet auquel Guillaume III donnait la préférence, le dauphin aurait eu la Savoie et l’île de Sicile, le duc de Savoie aurait conservé le Piémont en y joignant le Milanais, et le duc de Lorraine aurait reçu le royaume de Naples proprement dit. Quelle que fut celle de ces combinaisons qui vint à être adoptée, les frontières de la France devaient être grandement améliorées, et son territoire aurait obtenu des accroissemens plus considérables encore par la position des provinces qu’elle eût ainsi acquises que par leur valeur intrinsèque et par leur étendue.

Aucun de ces projets ne devait être exécuté. Pendant que les plus grands politiques de l’Europe épuisaient à les former toutes les ressources de leur habileté, il se passait à Madrid, dans le secret le plus intime du cabinet royal, un événement qui devait les mettre à néant. Charles II touchait enfin à son heure dernière. Dominé, dès sa première jeunesse, par des influences hostiles à la France, il s’était pendant longtemps montré disposé à préférer pour son successeur tout autre prince qu’un des enfans de Louis XIX. Par un premier testament, il avait, avant la paix de Ryswick, désigné l’archiduc Charles comme héritier de la monarchie espagnole : par un second, il avait appelé le prime électoral de Bavière à ce brillant héritage, mais la mort de ce jeune prince, les exigences hautaines de la cour impériale, et en même temps l’impuissance où elle semblait être de protéger l’Espagne contre le ressentiment de Louis XIV avaient peu à peu amené le cabinet de Madrid à d’autres dispositions. La nation espagnole, menacée de voir rompre par un partage le faisceau des états qui composaient encore son immense empire, en était venue à croire que le seul moyen d’en maintenir l’intégralité, c’était d’y intéresser le souverain le plus puissant de l’Europe, celui qui s’était montré jusqu’alors capable de résister seul avec succès à toutes les autres puissances coalisées. Un parti s’était formé en faveur du duc d’Anjou, second fils du dauphin, et l’ambassadeur de France, le marquis, depuis duc et maréchal d’Harcourt, sans prendre des engagemens qui eussent été en contradiction formelle avec l’objet des négociations qui se suivaient alors entre la France, l’Angleterre et les Provinces-Unies, avait su, par son habileté, sa patience, sa modération, ses ménagemens délicats, fortifier ce parti, tandis qu’au contraire l’attitude insolente et les maladroites menaces de l’ambassadeur impérial rendaient de jour en jour la cause de l’Autriche plus impopulaire. Le malheureux roi d’Espagne, cédant aux instances qui