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Après les cours de la Bourse de Paris, la première dépêche politique qui fut transmise par la voie sous-marine, et qui parut dans le Times du 14 novembre 1851, était datée de Paris à sept heures du soir du jour précédent, et elle annonçait le rejet de la loi électorale par une majorité de 355 voix contre 348. Comme pour toute œuvre grandiose ; l’étonnement que produit le succès s’affaiblit à mesure que nous nous familiarisons avec les avantages qui en découlent. Les journaux anglais reçoivent maintenant avec la plus grande régularité les nouvelles du continent par la voie sous-marine, et l’on ne peut s’empêcher d’espérer que ces relations sociales contribueront puissamment à répandre les lumières de la civilisation et à consolider la fraternité de tous les peuples.

En mai 1852, un câble de télégraphe sous-marin fut déposé dans le canal d’Irlande, entre Holyhead et Howth, près de Dublin. L’opération réussit à merveille, et le cable, qui avait 100 kilomètres de long, fut tendu directement et avec le plus grand succès. Les dépêches furent transmises, et, suivant l’usage de M. Brett (étranger cependant à l’entreprise), un canon fut tiré près de Dublin au moyen d’un choc électrique envoyé d’Angleterre. Le câble, qui n’a qu’un pouce anglais de diamètre (un peu plus de 25 millimètres), a été manufacturée par MM. Newall et la compagnie de la gutta-percha, les mêmes constructeurs qui avaient confectionné dans leurs ateliers le câble de Douvres à Calais, lequel était gros comme le bras. Le câble d’Irlande n’a qu’un seul fil. Je suis parfaitement informé que malgré le succés de la pose de cette voie sous-marine, ce télégraphe ne fonctionne pas encore au moment où j’écris.

On a beaucoup parlé de l’intention où étaient les États-Unis de traverser l’Atlantique par un câble de 5,000 kilomètres, distance de Liverpool à New-York, ou bien par un câble plus court établi entre Galloway et Terre-Neuve dont la distance est à peu près moindre de moitié. Je ne puis regarder ces idées comme sérieuses, et la théorie des courans pourrait donner des preuves sans réplique de l’impossibilité d’une telle transmission, même quand on ne tiendrait pas compte des courans qui s’établissent d’eux-mêmes dans un long fil électrique, et qui sont très sensibles dans le petit trajet de Douvres à Calais. Je répéterai ici ce que j’ai dit plusieurs fois, savoir : que le seul moyen de joindre l’ancien monde au nouveau, c’est de franchir par voie sous-marine le détroit de Behring qui, avec les îles qui le partagent, n’offre pas plus de difficulté que la Manche ou le canal d’Irlande, à moins peut-être qu’on ne puisse passer par les îles britanniques, les Feroë, l’Islande, le Groenland et le Labrador. Mais que d’études à faire d’ici là sur les courans polaires, la profondeur des mers, la nature du sol, le climat, ses influences sur les conducteurs, et mille autres élémens dont pourrait dépendre le succès d’une si gigantesque entreprise, qui du moins ne parait avoir contre elle aucune impossibilité matérielle, comme en présente la voie sous-marine transatlantique ! car, malgré leur outrecuidance (go a head), les citoyens des États-Unis n’ont sans doute pas la prétention d’établir des stations intermédiaires au fond de l’Océan.

Si nous regardons la jonction télégraphique des deux mondes comme un problème réservé à une solution éloignée, nous pouvons fixer notre attention sur des projets moins hasardeux. Il y a tant de compagnies qui se forment ou qui sont tonnées pour exploiter les lignes sous-marines, qu’il est difficile