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employés du télégraphe électrique sans des précautions judicieuses. Pour cet objet, M. Bréguet, au moyen d’un fil convenablement délié, a construit un vrai paratonnerre qui met en sûreté l’employé, même pendant le plus violent orage de foudre. Il recommande aussi très prudemment de ne faire entrer dans les stations que des fils assez petits pour se fondre par une électricité trop abondante, et faire par là même disparaître tout danger. En Amérique, chaque compagnie emploie des inspecteurs chargés de vérifier fréquemment le bon état des fils. Chaque homme inspecte une longueur de 30 à 150 kilomètres suivant la localité, et surtout durant et après les orages et les tempêtes.

En France comme en Amérique, l’administration, forcée par les exigences du service anglais des Indes, a osé établir des fils électriques sur les routes ordinaires. De Chalon-sur-Saône à Avignon, le télégraphe électrique n’est point renfermé dans l’enceinte d’un chemin de fer. Il en est de même de Poitiers à Angoulême ; seulement les poteaux ont été tenus un peu plus élevés : ils ont de 9 à 10 mètres. Jusqu’ici, aucun dégât n’a été l’ouvrage de la malveillance, et dès que les nouvelles de l’Inde arrivent à Marseille, elles sont immédiatement transmises à Londres.

Il y a une grandeur étonnante dans plusieurs des plans conçus par les Américains. M. O’Reilly, qui a construit plus de 12,000 kilomètres de télégraphe électrique dans l’Amérique centrale, a récemment proposé d’étendre les fils électriques jusqu’en Californie, dans l’Orégon et au Nouveau-Mexique. Sur la ligne, à chaque station, de 30 en 30 kilomètres, on établirait un poste de vingt dragons pour protéger les fils, tenir les Indiens en respect et secourir les émigrans qui vont en Californie. Leur service comprendrait aussi la transmission des dépêches, qu’ils porteraient d’une station à l’autre, comme le font les piétons dans l’Inde. Ce serait une ligue de civilisation autant qu’une ligne de télégraphie électrique. Depuis lors, un comité du congrès a recommandé mie ligue télégraphique différente de celle de M. O’Reilly. Cette ligne, partant de Natchez, sur le Mississipi, arriverait par le nord du Texas, au golfe de Californie, et suivrait ensuite la côte jusqu’à Monterey et San-Francisco. La distance serait d’environ 4,000 kilomètres et un peu plus grande que celle de M. O’Reilly ; mais elle traverserait une contrée occupée par des populations moins sauvages.

Les télégraphes municipaux font un service de sûreté très utile en Amérique. Toutes les alarmes pour cause d’incendie sont propagées avec rapidité, et des secours sont appelés aussitôt. À New-York, huit cloches d’alarme sont reliées entre elles et avec la tour centrale de l’hôtel de ville par des fils électriques ; à Boston, on a employé dans la ville seule plus de 75 kilomètres de fil pour le même objet. On peut présumer qu’à Londres, où le système des fils souterrains a pris beaucoup de développement, un service de petite poste électrique ne tardera pas à s’organiser.

C’est à l’Amérique encore que revient l’honneur d’avoir appliqué la première le plus étonnant de tous les résultats de la télégraphie électrique, savoir l’établissement du système sous-marin, établissement qui nous fait entrevoir dans l’avenir la connexion et la communication instantanée des deux extrémités de la terre, car s’il faut à peu près une heure ou deux pour envoyer un