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supportés par des poteaux distans d’un kilomètre et plus. D’autres fois ces fils s’enfoncent sous terre, quand le niveau de la contrée s’élève. L’habile ingénieur italien M. Bonelli a eu le bonheur d’exécuter ces travaux qui surpassent tout ce qui a été fait en Angleterre.

Une des annonces qui a le plus intéressé le public anglais a été la détermination prise par la compagnie des Indes Orientales d’introduire la télégraphie électrique dans ses vastes possessions territoriales d’Asie. L’importance des communications électriques est immense dans un pays dont les routes sont si mauvaises et dont les rivières sont si peu navigables. MM. Morewood et Rogers sont occupés à galvaniser plusieurs milliers de tonnes de fil de fer destiné à relier entre elles les principales cités de l’Inde britannique. Les fils seront supportés par des bambous vissés dans le sol.

Passons maintenant l’Atlantique.

La première ligne de télégraphe américain fut construite en 18 44 ; elle allait de Washington à Baltimore, une distance de 65 kilomètres. Le congrès alloua 150,000 francs pour la dépense de l’entreprise. En 1848, un système gigantesque unissait déjà Albany, New-York, Boston, Québec, Montréal, Toronto, et de là descendait vers la Nouvelle-Orléans, au travers de la Virginie ! Cincinnati, Saint-Louis et les lacs du Canada sont reliés à New-York et à Boston par des lignes multiples et entrecroisées, dont quelques-unes ont été poussées jusqu’à Halifax, près du banc de Terre-Neuve. Enfin, en 1852, des fils électriques ont été posés sur une immense étendue, principalement dans les vastes états du centre qui avoisinent le Mississipi et le Missouri, au-delà des contrées qu’arrose l’Ohio.

Si, avec une carte devant les yeux, nous traçons les diverses routes suivies par cette télégraphie électrique, nous trouvons que le télégraphe ne connaît pas les questions de territoire, de pêche, ou de nationalité anglaise ou américaine. Halifax et Saint-Jean sont unis par le télégraphe aussi bien que Montréal et le Bas-Canada avec les rives du lac Champlain, et de là avec New-York et Boston. Enfin, dans les états du nord aussi bien que dans l’Amérique britannique, nous trouvons un réseau des plus compliqués de lignes télégraphiques qui se coupent en tout sens. Sur plusieurs routes et entre les mêmes villes, il y a deux et même trois entreprises rivales. Dans les états du sud, les télégraphes électriques, comme toute autre espèce d’entreprise commerciale, sont moins développés que dans le nord, ce qui n’empêche pas les nouvelles commerciales apportées à New-York par les paquebots de Liverpool d’arriver à la Nouvelle-Orléans en 20 minutes, par une ligne électrique ou plutôt par deux lignes électriques de près de 3,000 kilomètres de long ! C’est encore M. Charles Olliffe qui me fournit cette donnée curieuse. Ces fils, que les Américains du Nord trouvent peu nombreux, traversent néanmoins le Maryland, la Virginie, les deux Carolines, la Géorgie et atteignent le golfe du Mexique. C’est surtout dans les états du centre et de l’ouest que le télégraphe électrique est quelque chose d’étonnant ! non qu’il égale en longueur ceux des états de l’est, mais c’est qu’il contraste étrangement avec l’état à demi civilisé de ces localités, il y a très peu d’années. Non-seulement dans l’Ohio, le Kentucky, le Tennessee et l’Alabama, mais encore plus à l’ouest, où naguère on ne voyait que des Indiens sauvages, chassant aux