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transmit de Boston à New-York 500 messages, formant plus de 5,000 mots, de nouvelles politiques et commerciales.

Voici maintenant la partie industrielle du système télégraphique.

En Angleterre comme en France, il y a le long des chemins de fer des fils exclusivement réservés au service du rail-way. Les propriétaires du chemin paient un droit à la compagnie électrique. Un très petit nombre de fils est réservé à l’usage exclusif du gouvernement ; mais le plus grand nombre des fils est au service du public pour les besoins du commerce. Pour ceux-ci, c’est la compagnie du télégraphe qui paie à la compagnie du chemin de fer un droit pour l’usage qu’elle fait de la voie et des stations. Les compagnies des chemins de fer transmettent un nombre infini d’ordres sur la ligne ; le gouvernement en transmet de même aux arsenaux, aux ports et aux chantiers de construction ; enfin le public fait de ces fils un moyen de communications privées dont l’étendue et le nombre augmentent tous les jours.

Ainsi donc la société et le commerce usent des avantages du télégraphe électrique, dont l’importance n’est plus une question. Les marchands et les capitalistes envoient leurs instructions aux fabricans de province ; ceux-ci réciproquement font connaître le progrès de leurs travaux. Les propriétaires de vaisseaux et les bureaux d’affaires maritimes correspondent avec tous les ports. Les avocats et hommes de loi s’entretiennent avec leurs cliens et avec les témoins. Les commis-voyageurs tiennent leurs patrons au courant de leur gestion. Des sommes d’argent sont expédiées sans papier, sans note et sans billets. Les médecins consultent entre eux et sont consultés par leurs malades. La police transmet des ordres pour l’arrestation des malfaiteurs. Les résultats des élections, des courses de chevaux, des assemblées politiques » et généralement de tout ce qui fixe l’attention publique, sont connus tout de suite. L’état du temps qu’il fait en chaque endroit est instantanément transmis aux intéressés, des familles entières se rendent, chacune de son côté, aux deux extrémités de la ligue électrique qui les sépare, et s’entretiennent de leurs affaires domestiques, des ventes importantes se font, des transactions sont proposées ; en un mot, il est difficile d’imaginer des limites à l’emploi utile du télégraphe électrique[1]. Les correspondans qui n’ont point de chiffres condensent leur message autant que possible, car la compagnie anglaise (actuellement du moins) perçoit 3 fr. pour la transmission de vingt mots, si la distance n’excède pas 100 milles anglais (161 kilomètres), et le double pour des distances supérieures. Celui qui veut écrire remplit un papier blanc fourni par l’administration ; un employé compte les mots, touche le prix, donne un reçu et porte le papier à la machine qui le transmet immédiatement. Si le correspondant ne se trouve pas au bureau où la dépêche est envoyée, il y a des facteurs qui la portent à son adresse. Le prix de leur service est en sus du prix d’envoi. Dans plusieurs des districts manufacturiers, le prix de la course du facteur n’est que de 1 franc 25 cent ; mais ce sont alors de petites distances.

  1. J’apprends de plusieurs côtés que la rapidité du télégraphe électrique, bien supérieure à celle des ailes mythologiques de l’Amour, a supprimé les mariages impromptu de Gretna-Green sur la frontière d’Ecosse.