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Gondi[1], là celui des Castellan[2], celui de Louvois[3], etc. ; surtout allez voir dans l’église de la Sorbonne le mausolée de Richelieu. Le redoutable ministre y est représenté à ses derniers momens, soutenu par la Religion et pleuré par la Patrie. Toute la personne est d’une noblesse parfaite, et la figure a la finesse, la sévérité, la suprême distinction que lui donnent le pinceau de Champagne, le burin de Morin et de Mellan.

Enfin je ne regarde point comme un sculpteur ordinaire Coysevox, qui, sous l’influence de Lebrun, commence malheureusement le genre théâtral, mais qui a la facilité, le mouvement, l’élégance de Lebrun lui-même. Il a élevé de dignes monumens à Mazarin, à Colbert, à Lebrun[4], et semé, pour ainsi dire, les bustes des hommes illustres de son temps, car, remarquez-le bien, les artistes ne prenaient guère alors des sujets arbitraires et de fantaisie ; ils travaillaient sur des sujets contemporains, qui, en leur laissant une juste liberté, les inspiraient et les guidaient, et communiquaient un intérêt public à leurs ouvrages. La sculpture française du XVIIe siècle, comme celle de l’antiquité, est profondément nationale. Les églises, les monastères étaient remplis des statues de ceux qui les avaient aimés pendant leur vie et voulaient y reposer après leur mort. Chaque église de Paris était un musée populaire. Les somptueuses résidences de l’aristocratie, car à cette époque il y en avait une en France, comme aujourd’hui en Angleterre, possédaient leurs tombeaux séculaires, les statues, les bustes, les portraits des hommes éminens dont la gloire appartenait à la patrie aussi bien qu’à leur famille. De son côté, l’état n’encourageait pas les arts en détail, et en petit pour ainsi dire ; il leur donnait une impulsion puissante en leur demandant des travaux considérables, en leur confiant de vastes entreprises. Toutes les grandes choses se mêlaient ainsi, s’inspiraient et se soutenaient réciproquement.

Un seul homme en Europe a laissé un nom dans l’art trop peu apprécié qui entoure un château ou un palais de jardins gracieux ou de parcs magnifiques : cet homme est un Français du XVIIe siècle, c’est Le Nôtre. On peut reprocher à Le Nôtre une régularité peut-être excessive et un peu de manière dans les détails ; mais il a deux qualités qui rachètent bien des défauts, la grandeur et le sentiment.

  1. D’abord à Notre-Dame, la place naturelle des tombeaux des Gondi, puis aux Augustins, maintenant à Versailles.
  2. Dans l’église Saint-Germain-des-Prés.
  3. Aux Capucins, puis aux Augustins, maintenant à Versailles.
  4. Voyez, sur ces trois monumens, Lenoir, p. 98, 101, 102. Celui de Mazarin est aujourd’hui au Louvre, ceux de Colbert et de Lebrun à Versailles.