Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/857

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rémunération nationale une somme de 300,000 francs à la veuve du maréchal Ney. Nous n’avons pas besoin de dire quelles questions d’un ordre très complexe naissent de ce dernier projet,en dehors du sentiment profond qui s’attache à la mémoire de celui que Napoléon appelait le brave des braves. Restons sur un terrain plus politique, il y a ceci de particulier dans quelques-unes des lois qui ont été récemment discutées, ou qui doivent l’être prochainement, c’est que ces projets ne sont point sans avoir soulevé quelques dissentimens entre les commissions législatives et le conseil d’état. Par exemple, la commission législative voulait faire une part plus grande à l’élément électif dans la manière de composer les listes du jury ; elle voulait substituer un conseiller général au juge de paix dans la présidence des commissions cantonales appelées à composer ces listes. Elle n’a point réussi à vaincre l’opinion du conseil d’état, et le projet vient d’être définitivement voté dans l’esprit où il avait été conçu. À la rigueur d’ailleurs, cela ne changeait point la portée des modifications introduites dans l’institution du jury. Le caractère général de ces modifications a suffi pour que l’ensemble ne fût point sacrifié aux détails. Dans la loi sur les pensions civiles, le dissentiment semble plus net et repose sur le principe même. Le gouvernement proposait de réunir toutes les caisses spéciales de pensions en une caisse centrale qui serait placée sous la direction du ministre des finances, et d’inscrire toutes les pensions au grand livre de la dette publique. La commission législative a vu en cela la possibilité de charges nouvelles et d’embarras nouveaux pour les finances publiques ; aussi, ne pouvant faire admettre ses amendemens par le conseil d’état, propose-t-elle le rejet de la loi. C’est un des projets qui restent à discuter au corps législatif. Quant à la loi des finances de 1854, dont le rapport vient d’être fait, c’est la première application du sénatus-consulte du 25 décembre 1852, qui règle le voie du corps législatif sur le budget, non plus par article et par chapitre, mais par département ministériel. Dans les propositions du gouvernement, on ne l’a point oublié, les dépenses devaient s’élever pour 1854 à 1,519,250,942 francs, et les recettes à 1,520,639,572. Le travail de la commission législative se trouvait nécessairement diminué d’avance par la longue élaboration à laquelle le budget avait été soumis ; elle est arrivée néanmoins à obtenir une réduction nouvelle de dépenses de 2 millions, réduction applicable aux ministères de la guerre, de la marine et des travaux publics, — de telle sorte que dans la balance des dépenses et des recettes il y a aujourd’hui en faveur de ces dernières un surplus de 3 millions 467,630 francs. C’est l’équilibre retrouvé, sauf les oscillations nouvelles qui peuvent naître des cas imprévus, à la condition que la fortune publique ne soit point arrêtée dans la voie de progrès où elle est entrée. Est-il donc si inutile de faire toujours la part de ce terrible imprévu ?

Quand on considère l’histoire financière de la France, il y a véritablement une chose qui frappe : c’est l’accroissement incessant du budget. Il était avant la révolution de 1789 de 585 millions, de 800 millions en 1815 ; la restauration le portait a près de 1 milliard ; le gouvernement de juillet le laissait à 1,450 millions ; il est aujourd’hui à 1,500 millions. Sans doute, comme le dit le rapporteur du corps législatif, cela s’explique par la loi supérieure du développement de la richesse, qui augmente sans cesse les besoins, les dépenses et les