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Au contraire, rien de plus mathématiquement fidèle, rien de plus exactement calqué que ces contre-épreuves de gravures. Ce sont de vrais trompe-l’œil. Vous pouvez mettre en présence les copies et les originaux, à peine les distinguerez-vous, et c’est une industrie qui vient de naître ! Que de perfectionnemens ne recevra-t-elle pas ! toutes les épreuves aujourd’hui ne sont pas également bonnes ; il faut, pour les bien tirer, une dextérité qui ne s’acquiert que par l’usage. Avec le temps, l’habileté sera devenue si grande, cet art du fac simile photographique aura fait de tels progrès, qu’on reproduira les dessins tout aussi bien que les estampes, et non-seulement les dessins à la plume et au crayon noir, mais ceux qui n’ont pas la même analogie avec les gravures imprimées, les dessins à la sanguine, à la sépia, à la mine de plomb. Ce sera là vraiment une conquête, et nous l’appelons de tous nos vœux.

Les dessins des grands maîtres, quel délicieux régal ! On ne connaît pas un peintre, même un peintre coloriste, quand on n’a vu que ses tableaux : il faut connaître ses dessins. C’est là qu’on entre avec lui en un commerce intime et vraiment instructif ; dans le domaine de l’art, les dessins sont les causeries du coin du feu, les tête-à-tête avec leurs confidences et leur laissez-aller. Là seulement on apprend à saisir le premier mot, le tour naturel et instinctif de la pensée pittoresque, à distinguer par quel chemin elle s’élève à la forme et à l’effet. Chez les uns, ce premier jet est complexe et embarrassé, c’est à force de réflexion et d’étude qu’il s’épure et s’éclaircit ; chez d’autres, il est saisissant, lumineux, plein d’espérances et de promesses que l’exécution ne tient pas toujours. Passez du grand salon du Louvre dans ces anciennes salles du conseil d’état, aujourd’hui tapissées de dessins, il n’est pas un des maîtres dont vous venez d’admirer les œuvres sous leur forme définitive et arrêtée, qui n’ait encore quelque chose à vous dire, et dont vous ne sentiez mieux l’esprit et le caractère quand vous êtes en face du moindre de ses croquis.

Malheureusement c’est chose rare que ces sortes d’entretiens avec les dessins des maîtres. Les mêmes causes qui ont détruit tant de gravures anciennes ont fait périr bien des dessins. Ceux qui survivent et dont l’authenticité est hors de doute sont par là même hors de prix. On les conserve avec des soins extrêmes, loin de l’air et du jour, dans des portefeuilles ou des tiroirs bien clos, qui ne s’ouvrent que par grande faveur. Il y a bien quelques cabinets, et notre Musée est du nombre, qui ont pris le parti plus libéral et tout aussi conservateur d’exposer les dessins sous verre. On ne gagne vraiment rien à les envelopper et à les calfeutrer : du moment qu’on ne renonce pas à les laisser voir quelquefois, ils courent plus de dangers à sortir