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verre. Plusieurs ouvertures partaient de ce chemin de ronde et donnaient accès dans des chambres à voûtes surbaissées assez spacieuses pour contenir trente à quarante ouvriers. Celles-ci communiquaient avec d’autres appartemens intérieurs par des portes très basses où cinq ou six ouvriers pouvaient passer de front. Une fois le travail mené à fin, les termites se tinrent tranquilles, au moins pendant le jour. Je les trouvais d’ordinaire groupés dans le point le plus obscur de la grande galerie ou dans les chambres voisines, tandis que quelques soldats isolés semblaient parfois monter la garde à l’entrée des chambres vides ; mais aussitôt que la lumière les frappait, il se manifestait une vive agitation. Ouvriers et soldats exécutaient à l’envi le singulier trémoussement dont j’ai parlé plus haut, et en quelques secondes tous avaient disparu dans les chambres du centre, où ne pouvaient les atteindre ces rayons importuns.

La curiosité seule ne me guidait pas dans ces observations. En étudiant de plus près les mœurs des termites, en cherchant à me rendre compte de la construction des termitières, je voulais surtout arriver à découvrir les moyens de combattre des ennemis que leur nombre et leur petitesse même semblaient avoir rendus invincibles. MM. Audouin, Milne Edwards, Blanchard, Lucas, n’avaient fait que passer, et n’avaient pu par conséquent aborder ce problème ; mais bien d’autres avaient essayé de le résoudre. Les arrosages à l’eau de goudron, les labours profonds et fréquens, les fossés circulaires creusés autour du tronc, ont été employés pour protéger les jardins et les arbres fruitiers ; l’essence de térébenthine, l’arsenic en poudre, ont été vantés comme devant faire périr les insectes réunis dans une termitière, et un voyageur assure que cette dernière substance réussit parfaitement à la Martinique[1]. Malheureusement ces divers procédés se sont toujours montrés impuissans en Saintonge, et quant aux injections de lessive bouillante employées plus récemment, elles sont évidemment inapplicables dans la plupart des cas[2]. MM. Fleuriau et Sauvé avaient aussi tenté de détruire la colonie installée à la préfecture de La Rochelle. Après un certain nombre d’essais infructueux, ils imaginèrent d’appeler à leur secours des auxiliaires, et d’employer les fourmis à combattre les termites. L’application de cette idée ingénieuse aurait bien eu quelques inconvéniens : on aurait remplacé un insecte rongeur par un autre ; mais en somme le

  1. Chanvallon, Voyage à la Martinique.
  2. Mme George, qui s’occupe d’histoire naturelle et surtout de botanique avec une ardeur fort rare chez une femme a annoncé à la Société d’histoire naturelle de La Rochelle qu’elle était parvenue par ce moyen à chasser les termites de son jardin. Mme George regarde le termite qui a envahi sa propriété comme étant le termite à nez, espèce commune à la Jamaïque.