Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/793

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des travaux exécutés par une seule colonie, il serait difficile de croire aux détails que Smeathman assure avoir plusieurs fois vérifiés. Cet abdomen monstrueux semble n’être qu’un vaste ovaire dont les branches multipliées renferment un si grand nombre de germes en voie de développement, qu’il s’en trouve toujours un de mûr. À travers les tégumens amincis et devenus transparens, on voit ces canaux sans cesse animés de mouvemens de contraction, tantôt sur un point, tantôt sur un autre. Grâce à ce mécanisme, le termite femelle, sans même s’en apercevoir peut-être, pond au-delà de soixante œufs par minute, c’est-à-dire plus de quatre-vingt mille par jour, et Smeathman est porté à croire que cette ponte prodigieuse dure toute l’année avec la même activité !

Ces myriades d’oeufs, promptement recueillis, sont portées dans les couvoirs, et il en sort bientôt autant de larves semblables aux ouvriers, mais beaucoup plus petites et d’un blanc de neige. Ces larves habitent encore pendant quelque temps les chambres où elles sont nées. Elles y sont l’objet de soins attentifs, et les murs mêmes qui les abritent semblent se changer en plates-bandes pour les nourrir. Grâce à la chaleur humide qui règne sans cesse au centre de la termitière, les cloisons de bois et de gomme qui forment les couvoirs se couvrent de champignons microscopiques assez semblables à nos mousserons, et les jeunes termites trouvent dans ces moisissures un aliment approprié à leurs premiers besoins. Ils subissent sans doute une première métamorphose et revêtent la forme d’ouvriers actifs ou de soldats. Les premiers seuls parviennent à l’état d’insectes parfaits. Vers la saison des pluies, il leur pousse des ailes, et par quelque soirée d’orage, mâles et femelles sortent par millions de leurs retraites souterraines ; mais leur vie aérienne est de courte durée. Au bout de quelques heures, leurs ailes se flétrissent et se détachent. Dès le lendemain, la terre est jonchée de ces malheureux, et désormais incapables de fuir, ils sont la proie de mille ennemis qui guettent avec soin cette provende annuelle. Bien peu échappent au massacre. Quelques couples recueillis par des ouvriers, protégés par des soldats que le hasard a conduits auprès d’eux, rentrent dans leurs galeries, et deviennent d’ordinaire les souverains de leurs sauveurs, bientôt cloîtrés pour toujours dans leur cellule royale, ils forment le noyau d’une nouvelle termitière, et n’ont plus qu’à songer à accroître le nombre de leurs sujets.

Tous les voyageurs parlent de peuples mangeurs de fourmis ; c’est termites qu’il faudrait dire. On doit en effet compter l’homme lui-même parmi les ennemis qui épient chaque année l’émigration de ces insectes dans le but de s’en nourrir. Les Indiens enfument les termitières et arrêtent au passage les individus ailés dont ils hâtent