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vol. L’amour n’adoucit guère que pour un jour l’humeur de ces farouches chasseresses, et, quand elles ont satisfait à la loi commune, quand la propagation de l’espèce est assurée, elles meurent dans l’isolement où elles ont toujours vécu.

Les termites leurs frères sont bien autrement sociables. Ceux-ci, comme les abeilles, comme les fourmis, se réunissent en sociétés nombreuses, dans lesquelles des individus de forme différente représentant des espèces de castes s’acquittent de fonctions distinctes. Les mœurs singulières de ces insectes, mœurs qui les rendent si redoutables, ont donné lieu à bien des fables. Peut-être faut-il voir des termites dans ces fourmis qui, au dire d’Hérodote, habitaient le pays des Bactriens, et qui, plus petites qu’un chien, mais plus grandes qu’un renard, mangeaient une livre de viande par jour. Retirés dans des déserts de sable, ces insectes gigantesques se creusaient, disait-on, des demeures souterraines et soulevaient des collines de sable d’or que les Indiens venaient enlever au péril de leur vie. Selon son habitude, Pline renchérit encore sur cette histoire merveilleuse, et ajouta qu’on voyait dans le temple d’Hercule des cornes de ces fourmis. Presque de nos jours encore, et lorsque les termites étaient déjà passablement connus, quelques voyageurs ont eu de la peine à se contenter des faits, bien assez curieux par eux-mêmes. Ils ont attribué à ces insectes un venin tellement actif, qu’il suffisait pour s’empoisonner d’en respirer les émanations, et qu’une seule morsure allumait une fièvre mortelle. On naturaliste anglais, Smeathman[1], a fait complètement justice de ces contes et nous a appris sur les espèces exotiques des vérités non moins étranges que les erreurs propagées par ses devanciers. C’est là du reste un résultat qui s’est reproduit bien souvent. En fait de merveilleux, la nature dépasse presque toujours ce qu’a rêvé l’esprit humain.

Comme la très grande majorité des insectes, les termites sortent d’un œuf, et, avant de revêtir leurs formes définitives, doivent subir des métamorphoses[2]. Dans toute termitière, on trouve à la fois des larves, des nymphes et des insectes parfaits accompagnés d’un nombre immense de neutres. Chez les abeilles et les fourmis, ce sont ces derniers qui jouent le rôle d’ouvrières ; chez les termites, ils remplissent les fonctions de soldats et sont exclusivement chargés de veiller à la sûreté commune, ainsi qu’au maintien du bon ordre. Les larves

  1. « Some account of the termites which are found in Africa and other not climates. » Philosophical Transactions, 1781.
  2. Tout insecte à métamorphoses complètes passe successivement par trois états. Au sortir de l’œuf, il porte le nom de larve. La chenille est la larve du papillon. Dans son second état, il prend le nom de nymphe ou de pupe, qu’on nomme chrysalide quand il s’agit d’un papillon. Enfin il devient insecte parfait, et alors seulement on peut distinguer les sexes par des caractères soit extérieurs soit anatomiques.