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le travail d’évaporation. Celles-ci sont trois petits bassins étroits, profonds seulement de 5 à 6 centimètres et disposés de façon que pour passer de l’un dans l’autre l’eau est obligée de parcourir en zigzag toute la largeur du marais. Les mors et les tables où l’eau de mer subit sa seconde et sa troisième évaporation ont à peu près les mêmes dimensions et circonscrivent un carré long occupant environ le tiers du marais. Cette enceinte est partagée en deux par un large bassin de 4 à 5 centimètres de profondeur appelé le muant. À droite et à gauche de celui-ci sont disposées les nourrices, qui n’ont plus que 2 centimètres et demi de profondeur. C’est là que la solution, de plus en plus concentrée par son séjour dans les chambres précédentes, reçoit sa quatrième et dernière préparation avant d’entrer dans les aires où on la laisse cristalliser. De petites levées de terre glaise, disposées avec une régularité parfaite, isolent ces divers compartimens et servent aux besoins de l’établissement. Enfin cet ensemble repose sur le bri[1], argile bleue ou jaunâtre qui n’est autre chose que le terrain d’alluvion laissé là par la mer comme une sorte de restitution faite au continent.

Pour comprendre toute l’étendue de ces atterrissemens, il faut se transporter à deux lieues environ au nord de La Rochelle et visiter la baie de l’Aiguillon. De nos jours, cette baie forme un croissant presque régulier, dont l’entrée n’a guère que 7,000 mètres de large sur 9,000 mètres au plus de profondeur. Autrefois la mer entrait dans les terres, de Longueville à la pointe Saint-Clément, par une ouverture de plus de 34,000 mètres. Le golfe s’évasait ensuite et envoyait en tous sens, au nord jusqu’à Luçon et à Maillezais, à l’est jusqu’à Niort et à Grip, au midi jusqu’à Benon et à Aigrefeuille, des baies secondaires profondes et accidentées. De L’entrée du golfe à Niort, il n’y avait pas moins de 50 kilomètres ; on en comptait 42 de Luçon à Aigrefeuille. Pour aller en droite ligne de Luçon à Aigrefeuille, on avait à traverser le golfe du nord au midi, et à faire par mer un trajet de 42 kilomètres ; ce voyage peut se faire à présent en entier par terre. Aujourd’hui Longueville est à 25 kilomètres du rivage, Luçon à plus de 12, Maillezais à 29, Niort à 48, Grip à 49, Benon à 21, et Aigrefeuille à 22. Entre l’extrémité sud de la baie d’Aigrefeuille et l’ancienne anse de Fouras, il n’y avait que 6 kilomètres ; on n’en comptait pas davantage entre la même baie et la branche septentrionale du bassin de la Charente. On voit que l’ancienne baronnie de Chatelaillon, y compris les territoires de La Rochelle et d’Esnandes, formaient une véritable presqu’île présentant à la mer un front de 30 kilomètres

  1. On a remarqué que la nature de ce fond influe sur la qualité du sel. Le bri bleu donne seul du sel très blanc. Le bri jaune donne toujours des produits colorés de la même teinte.