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que dans toute l’armée il n’y avait qu’une quarantaine de cavaliers, tous, ainsi que Xénophon, officiers d’état-major ou volontaires. Chez les Grecs, de même que chez les Romains, les cavaliers étaient choisis parmi l’élite des citoyens, et dans Athènes le service de la cavalerie passait pour le plus honorable. Mais pourquoi appliquer à une année de mercenaires des conclusions qui ne seraient justes qu’à l’égard d’une armée nationale ? Il me semble évident que les capitaines qui avaient levé des troupes pour le jeune Cyrus étaient assez bien pourvus d’argent pour donner à leurs recrues l’équipement de soldats d’élite, et si l’on ne voit pas de cavalerie attachée à cette armée, c’est que Cyrus, se croyant assez fort de ce côté, avait demandé à ses émissaires précisément l’arme qui manquait en Asie, et qui devait lui assurer une supériorité décisive sur le champ de bataille.

Ce ne sera pas sans surprise, je pense, que nos militaires liront que cette division grecque si estimée et si redoutable traînait à sa suite un nombre considérable de non-combattans. M. Grote remarque que dans les marches la plupart des hoplites faisaient porter leur bouclier par un esclave ; presque tous avaient leurs hétaïres, c’est-à-dire leurs « femmes de campagne, » pour parler comme M. le duc de Lorraine. Pour des Grecs de ce temps, cela semble un grand luxe. Il parait que beaucoup de ces dames étaient de condition libre, et probablement menaient leurs esclaves avec elles. Une multitude de chariots et de bêtes de somme portaient le bagage ; enfin un grand troupeau suivait l’armée pour la nourrir dans ses traites. On le voit, cette troupe ne ressemblait guère aux légionnaires romains qui portaient sur leurs épaules armes et vivres, et que Marius appelait ses mulets. Notons encore un détail curieux sur l’organisation d’une armée à cette époque : celle-là n’avait pas un seul interprète, pas un chirurgien en titre ; ce ne fut qu’après une affaire assez chaude qu’on s’avisa de répartir entre les différentes bandes les hommes qui prétendaient avoir quelques connaissances médicales.

Cyrus, frère puîné d’Artaxerce, roi de Perse, gouvernait pour lui une grande partie de l’Asie Mineure. C’était un prince habile, actif, ambitieux, plein de qualités brillantes, généreux surtout. Depuis longtemps il méditait de s’emparer du trône, et, connaissant le courage des Grecs ainsi que les moyens de se les attacher, il avait pris à sa solde un corps nombreux d’auxiliaires de cette nation. Il eut été dangereux de les recruter ouvertement pour faire la guerre au grand roi ; Sparte, alors en paix avec Artaxerce, n’eût pas souffert ces enrôlemens. D’ailleurs peu de soldats se fussent trouvés assez résolus pour aller combattre si loin de leur patrie un prince dont on vantait partout la puissance. Cyrus s’y prit avec adresse. Les recrues qu’on lui envoyait de Grèce devaient, disait-il, l’aider à soumettre un petit