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II

Cependant, de la résidence de Celle, où son mariage avec Sophie-Dorothée allait être célébré, le prince George avait envoyé à sa favorite l’ordre de s’éloigner de Hanovre ; mais la fière Catherine de Meissenberg s’était refusée à quitter la place, du moins jusqu’à l’arrivée du jeune couple, « très curieuse qu’elle était, disait-elle, de voir par ses propres yeux les charmes de son auguste rivale. »

La princesse Sophie-Dorothée se montra, dans la première réception qu’elle présida à la cour de Hanovre, d’une grâce parfaite et d’une irréprochable correction en matière d’étiquette. Il va sans dire que l’œil investigateur d’Elisabeth de Platen ne perdait pas un seul de ses mouvemens. Sophie-Dorothée accueillit de la plus charmante façon tous ceux qui lui furent présentés, adressant à celle-ci un mot aimable, à celui-là un sourire agréable et digne, mais quand vint le tour à Mme de Platen de lui faire sa révérence, la princesse fronça le sourcil, et son instinctive répugnance allait se trahir, lorsque, se rappelant les conseils de sa mère, elle prit sur elle d’étouffer sa première impression, et d’échanger avec l’arrogante favorite quelques paroles insignifiantes et froides.

Ernest-Auguste, qui n’avait considéré d’abord que les intérêts politiques attachés à cette alliance, ne tarda pas à se montrer fort sensible aux qualités que chacun découvrait chez sa bru. Il n’y eut donc à ces premiers momens que Mme de Platen de mécontente, et encore l’altière antagoniste de Sophie-Dorothée dut-elle étouffer des sentimens de malveillance et de dépit secret qui à cette heure n’auraient trouvé d’écho nulle part.

Peu après, la duchesse-mère vit avec plaisir sa belle-fille se montrer éprise d’un certain intérêt pour la science, qui était, après l’élévation de sa famille, ce que l’illustre dame avait en ce monde le plus à cœur. Le. prince George sentait de jour en jour grandir son attachement pour sa femme, et si, de son côté, Sophie-Dorothée ne pouvait dire qu’elle eût en lui trouvé l’idéal des rêves de sa jeunesse, il faut avouer que ses terreurs superstitieuses et son éloignement avaient fort diminué. La jeune épouse du fils d’Ernest-Auguste devint mère, un prince leur naquit d’abord, puis une princesse : le prince devait un jour être roi de la Grande-Bretagne ; la princesse devait mettre au monde le grand Frédéric. À mesure que Sophie-Dorothée gagnait davantage dans l’affection de son mari et les bonnes grâces de son beau-père, à mesure que sa position se consolidait à la cour, sa gaieté revenait, et l’aimable et spirituelle personne se retrouvait elle-même ; mais, hélas ! faut-il le dire ? avec la gaieté riante des premiers jours