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diverses ? C’est là ce qui peut le mieux déterminer le caractère de la crise actuelle.

Ce n’est point la première fois que l’organisation du culte catholique en Hollande préoccupe également le gouvernement néerlandais et le saint-siège. Déjà en 1827 un concordat était conclu entre Rome et les Pays-Bas, dont la Belgique faisait encore partie. En réalité, ce concordat n’a jamais été complètement appliqué. Vu d’abord avec défaveur dans les deux parties du royaume, la partie néerlandaise et la partie belge, il devenait d’une application bien plus difficile et plus problématique après la séparation de la Belgique, c’est-à-dire de la portion essentiellement catholique du royaume. En fait, il est resté suspendu pendant dix ans. La question ne s’est réveillée qu’en 1840. Le gouvernement inclinait à maintenir le principe du concordat de 1827, sauf les modifications nécessaires ; mais ici commence à se manifester la vive opposition des administrations protestantes, opposition fondée sur les changemens politiques survenus par suite du démembrement du royaume et sur la puissance des traditions historiques dans les sept anciennes provinces-unies. Dans une pensée de paix, le roi régnant alors, Guillaume II, s’arrêtait à un tempérament. Une convention passée en 1841 avec le saint-siège, et qui n’a point été publiée jusqu’ici, maintenait aux anciennes provinces le caractère de pays de mission, tandis que l’épiscopat catholique était établi dans le Brabant hollandais et dans le duché de Limbourg. Il en était ainsi lorsque sont survenues les modifications essentielles introduites dans la loi fondamentale de la Hollande en 1848. La constitution nouvelle, c’est là ce qu’il faut remarquer, change sensiblement la situation des divers cultes ; elle proclame la liberté religieuse la plus complète ; elle laisse à toutes les communions la faculté de s’organiser, de s’administrer elles-mêmes, à la seule condition de respecter les lois et de ne rien faire contre la sûreté de l’état. Le culte protestant s’est organisé sur ces bases, et même le gouvernement, qui avait d’abord fait quelques réserves sur cette organisation, a fini par les retirer. Le culte israélite s’est organisé. Il était assez simple que le culte catholique songeât aussi à se constituer régulièrement. Dès la fin de1851, le souverain pontife faisait soumettre la question au cabinet de La Haye, et celui-ci répondait, la constitution à la main, que le culte catholique était libre de s’organiser comme les autres et aux mêmes conditions ; seulement il demandait, par un désir assez naturel, une communication préalable du jour et du mode d’organisation ; il se croyait fondé à l’obtenir, bien qu’à vrai dire le nonce du saint-siège à La Haye déclinât à ce sujet tout engagement. Ceci ressort des discussions mêmes des chambres et des explications ministérielles. Qu’en est-il résulté ? C’est que, lorsqu’a eu lieu récemment et d’une manière un peu inopinée le rétablissement de la hiérarchie catholique qui institue en Hollande cinq évêchés, dont un archevêché à Utrecht, l’acte du saint-siège a surpris et froissé à la fois, mais inégalement, le gouvernement et une notable portion de l’opinion publique. Le gouvernement a vu dans l’absence de toute communication préalable un mauvais procédé de la cour de Rome ; l’opinion publique, parmi les protestans, s’est irritée contre le fait même de l’organisation catholique. L’agitation s’est rapidement propagée, un pétitionnement