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M. de Revel, quittait Vienne par voie de congés comme on a pu le voir l’autre jour. Ce n’était point une rupture, mais ce n’est point non plus évidemment une situation très normale ; elle peut être au contraire pleine de périls. Quoi qu’il en soit, en présence du refus de l’Autriche de faire droit à ses réclamations, le cabinet de Turin vient de publier un mémorandum qui est l’exposé de toutes les phases, de tous les élémens de ce conflit, et qui discute avec une force remarquable et l’illégalité de la mesure du gouvernement autrichien et le droit du Piémont. Il conclut en ces termes que nous devons citer, parce qu’ils caractérisent le point où en est arrivée cette affaire : « C’est un grave attentat sur lequel nous faisons appel à la conscience mieux informée du cabinet de Vienne, et sur lequel nous invoquons les bons offices des souverains alliés et amis. » Maintenant les chambres piémontaises vont avoir à se prononcer sur ces complications épineuses. L’occasion leur est naturellement offerte. Le gouvernement vient de présenter un projet de loi affectant Un crédit de 400,000 livres à des prêts en faveur des émigrés dépouillés par la mesure du séquestre. Il a communiqué à la commission parlementaire toutes les pièces concernant cet incident et les négociations diplomatiques qui ont eu lieu. Le parlement de Turin ne saurait se dissimuler qu’il est dans une situation grave, et que toute discussion violente ou injurieuse pour l’Autriche ne servirait guère le Piémont et moins encore les émigrés lombards devenus Sardes par leur naturalisation. Il y a dans la modération un intérêt de patriotisme que les chambres piémontaises ne méconnaîtront pas sans doute. Quant aux résultats possibles de toute négociation nouvelle, il serait difficile certainement de rien pressentir à ce sujet.

Tel est donc l’état des rapports de l’Autriche avec le Piémont. Quant aux difficultés dans lesquelles la Suisse, de son côté, s’est vue entraînée avec le gouvernement autrichien à la suite des événemens de Milan, si elles n’ont pas été moins graves dans le principe, elles semblent marcher aujourd’hui plus visiblement vers une conclusion régulière. Les relations des gouvernemens dénotent une situation moins tendue. Les ultimatums se sont changés en négociations nouvelles. D’ailleurs il est infiniment probable que le gouvernement fédéral se verra obligé de souscrire aux réclamations du cabinet de Vienne, tant au sujet des réfugiés, dont l’éloignement ou l’internement est demandé, que sur les autres questions ; déjà même il s’exécute sur bien des points. Mais au moment où s’agitaient ces débats diplomatiques avec l’Autriche, un incident intérieur qui n’est point sans gravité éclatait en Suisse. Le canton de Fribourg était le théâtre d’un mouvement insurrectionnel. Dans la nuit du 21 au 22 avril, quatre cents paysans environ, ayant à leur tête un chef de parti des plus énergiques, nommé Carrart, et un officier de l’année fédérale, le colonel Périer, entraient dans Fribourg et allaient se barricader dans le collège. D’autres troupes de paysans insurgés devaient, à ce qu’il paraît, arriver de divers points. Ces contingens ont fait défaut, et c’est ce qui a contribué à la prompte défaite des paysans déjà entrés dans Fribourg. Carrart a été tué ; le colonel Périer a été grièvement blessé. Le reste de l’insurrection s’est évanoui. Quel est le caractère de ce mouvement ? L’histoire de ce petit canton depuis quelques années, depuis la malheureuse guerre du Sonderbund, l’explique suffisamment. C’est l’excès de la lassitude du joug