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chercher quelque part des ressources. Il les trouve, en premier lieu, dans un impôt nouveau sur les successions ; la transmission des biens n’a été soumise jusqu’ici en Angleterre à aucun droit. La contribution nouvelle parait devoir produire 2 millions de livres sterling. Il y a encore une augmentation de la taxe sur les spiritueux d’Ecosse ; mais ce qui caractérise le plus particulièrement le budget de M. Gladstone, c’est la combinaison nouvelle qu’il a adoptée au sujet de l’income-tax, combinaison qui a pour résultat de donner pour le moment au trésor de plus grandes ressources, en offrant la perspective de la suppression de l’impôt sur le revenu à époque fixe : — 1860 est la date où l’income-tax doit cesser d’exister. D’ici là, voici les combinaisons de M. Gladstone : en ce moment, les revenus au-dessus de 150 livres sterling sont seuls soumis à la taxe ; désormais tous les revenus à partir de 100 livres paieront l’impôt. C’est ainsi que le chancelier de l’échiquier commence par demander plus pour n’arriver que plus tard à un dégrèvement, et cela ne laisse point d’être un procédé assez spécieux. D’un autre côté, la taxe actuelle est de 7 deniers par livre ; elle restera à ce taux pendant deux ans, elle descendra en 1856 à 6 deniers, à 5 en 1857, pour disparaître totalement en 1860, ainsi que nous le disions. En considérant dans son ensemble le budget de M. Gladstone, en mettant en parallèle le chiffre des réductions qu’il opère et les augmentations de ressources qu’il demande à des impôts nouveaux ou à des combinaisons particulières, il est impossible de ne point remarquer qu’il reste encore un déficit, même avec l’extension donnée à l’income-tax ; mais M. Gladstone compte sur le développement de la richesse générale, sur l’impulsion donnée à tous les intérêts, et il trouve dans le mouvement immense accompli depuis 1842 la garantie de l’avenir. C’est certainement un grand spectacle que celui d’un peuple qui peut offrir un tel point d’appui à ses hommes d’état. Dans tous les cas, le budget de M. Gladstone, dans ce qu’il peut avoir de spécieux comme dans ce qu’il a de hardi, semble avoir obtenu un très sérieux succès en Angleterre. Restent maintenant les discussions, qui ne manqueront point de s’ouvrir, et où M. Disraeli viendra probablement relever le drapeau de son parti sur ce champ de bataille financier.

L’Angleterre, on le sait, était intervenue avec la France, plus vivement même que la France, dans une question grave et délicate élevée entre l’Autriche et le Piémont, et elle a peu réussi jusqu’à ce moment dans son intervention diplomatique. Bien loin de s’aplanir en effet, le différend né de la mesure de séquestre appliquée aux biens des émigrés lombards nationalisés sardes n’a fait que se compliquer davantage dans ces derniers temps. Le gouvernement autrichien ne semble point disposé à se départir de ses prétentions et à rien retrancher des rigueurs extrêmes de la mesure dont il a assumé la responsabilité. Qu’on le remarque bien, ce n’est point ici dans un intérêt d’humanité ou de sympathie pour les émigrés lombards que le Piémont réclame, c’est en s’appuyant sur un droit. Ces émigrés dépouillés sont aujourd’hui Piémontais et ont toutes les prérogatives de la nationalité piémontaise. C’est ce qui fait que le gouvernement sarde, tout en restant dans des limites extrêmes de modération, ne pouvait point agir autrement qu’il ne l’a fait, sans manquer à sa dignité. Dès qu’il a été avéré par les réponses de M. de Buol que toute négociation devenait, inutile, l’envoyé sarde près le gouvernement autrichien,