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C’est là, pans nul doute, ce qui explique le mieux l’étrange développement de ces grandes voies de communication, de ces rapides systèmes de transport qui mettent l’Europe et l’Amérique à quelques jours de distance à peine. Aussi, depuis un demi-siècle, le génie de l’homme est-il particulièrement tourné vers cet ordre d’inventions, il dompte les élémens, s’empare de l’air et du feu, multiplie et dirige les forces motrices ; il combine et simplifie, comme cet Américain ingénieux et inventif, Suédois d’origine, le capitaine Éricson, qui récemment encore, par un usage mieux entendu de la puissance du calorique, découvrait le moyen de réduire singulièrement la dépense du combustible pour les machines à vapeur, en laissant en même temps sur les navires plus de place au commerce et à l’homme, qu’un économiste appelait « le bagage le plus difficile à transporter. » Ces grands moyens sont le fruit du besoin universel de locomotion qui règne dans notre temps, et d’un autre côté ils lui viennent en aide, ils l’accélèrent, le provoquent, le multiplient, le facilitent. Comment une pauvre famille d’émigrans, qui s’en va aujourd’hui en quelques jours dans l’ouest des États-Unis, eût-elle songé autrefois à tenter un tel voyage avec ses faibles ressources ? Les Anglais et les Américains, selon l’habitude, cela se comprend, sont à la tête de ce mouvement. Depuis bien des années déjà, ils poursuivent les plus vastes expériences et rivalisent d’audace. Après avoir lié l’Europe à l’Amérique par les services transatlantiques l’Angleterre a établi des lignes de navigation à vapeur avec le cap de Bonne-Espérance, avec l’Inde. Ses vaisseaux sillonnent toutes les mers, et sont en quelque sorte l’instrument unique et régulier des relations universelles. La France, malheureusement, ne marche point du même pas. Il serait cependant nécessaire d’y songer. C’est une grande question de savoir quelle doit être véritablement la politique de la France : si elle doit se tenir au niveau de celles des autres nations qui marchent dans la voie des développemens maritimes et commerciaux, ou si elle doit être purement continentale, tout intellectuelle et morale. C’est une grande question ; mais il faudrait faire un choix, afin de ne point user des forces inutiles à la recherche d’une double grandeur qu’on verrait fuir tour à tour. Depuis quelques mois déjà, on le sait, il était question de la création de paquebots transatlantiques. La réalisation de cette pensée est aujourd’hui ajournée. Le gouvernement a nommé une commission chargée d’étudier cette grande et multiple question ; et cette commission a reconnu qu’il en résulterait pour l’état une dépense annuelle de plus de 15 millions sous forme de subvention, que nos ports n’étaient point, dans leur état actuel, accessibles aux bâtimens d’une assez vaste capacité pour lutter avec succès contre la concurrence étrangère, il est fâcheux assurément qu’il en soit ainsi. Cela est fâcheux, parce qu’il y avait là un grand intérêt dans le mouvement présent du monde. Nous ne l’imputons point au gouvernement, mais à ce mauvais sort qui depuis treize ans fait périodiquement échouer cette entreprise, et qui ne décèle point, par malheur, une grande persistance, non plus qu’une bien vivace hardiesse dans l’esprit d’industrie. Pour le moment donc, une seule ligne sera créée, celle du Brésil. En attendant, les expériences sur la machine Ericson se compléteront, et nous les étudierons. Nous étudierons surtout comment de simples particuliers ; de simples négocians, mettent leur zèle et leur fortune à seconder ces ingénieuses