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sur-le-champ dans le serdab, et fit acte de prise de possession au nom de la France ; mais le prix singulier que les Européens attachent aux objets découverts dans les fouilles parait, à la longue, avoir éveillé la cupidité des Orientaux, car, au moment où M. Place installait ses ouvriers dans le serdab, le propriétaire du terrain exigea qu’il fût fait préalablement remise d’une somme de 8,000 piastres du grand seigneur. M. Place, ne se croyant pas suffisamment autorisé pour faire une pareille avance, dut suspendre ses travaux. Cette hésitation donna lieu à un singulier incident. Le pacha, saisi tout à coup de velléités archéologiques fort rares chez un Turc, détacha une brigade d’ouvriers pour continuer la fouille commencée. On ignore jusqu’à ce jour quel a été le résultat de ces travaux ; toujours est-il que voilà le premier exemple de pareille concurrence faite par les autorités locales aux Anglais et aux Français. M. Place ne désespérait pourtant pas d’être réintégré tôt ou tard, par le pacha lui-même, dans les tranchées du Nabi-Younès.

Tels sont les résultats de ce qu’on pourrait appeler la première exploration de M. Place. L’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres en a reconnu hautement l’importance, et a déclaré à l’unanimité que l’actif et intelligent consul avait bien mérité de la science. La saison des pluies, comme nous l’avons pu voir, n’avait pas ralenti son zèle, et, bien que ses ressources fussent épuisées, il se proposait de continuer ses recherches à ses frais, lorsque la maladie est venue l’arrêter. Les grandes chaleurs de l’été, frappant sur un sol détrempé par des pluies diluviennes, avaient fait de Khorsabad un séjour vraiment empesté. M. Place et son compagnon, M. Tranchand, luttèrent pendant plusieurs jours contre le climat et la maladie ; mais bientôt il fallut céder : chaque jour, la chaleur augmentait d’intensité. Le thermomètre se maintenait à l’ombre entre 45 et 51 degrés ; au soleil, l’élévation de la température n’était plus appréciable. L’esprit-de-vin ou le mercure ne tardaient pas à atteindre le sommet des tubes, dont l’un marquait 63 et l’autre 65 degrés, et les faisaient éclater. M. Tranchand, gravement malade, fut transporté à Mossoul par les soins de M. Place. Ce dernier, atteint lui-même de la dyssenterie, fut contraint de se retirer dans les montagnes du Kurdistan, où il ne recouvra ses forces qu’après un séjour de quelques semaines.

L’explorateur de Ninive, à peine rétabli, aurait voulu reprendre ses travaux, et mettre à profit les mois d’automne ; mais les affaires du consulat et l’épuisement du crédit qui lui avait été alloué l’obligèrent à ajourner pour le moment toute opération importante. Ses ressources personnelles ne lui permettaient en effet que d’entretenir un petit nombre d’ouvriers qu’il transportait successivement sur plusieurs points, afin surtout de prouver que les travaux n’étaient pas abandonnés. Cependant, vers le milieu de novembre, ayant été informé