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à cause des grandes distances. En France, vers la même époque, quelques-uns doutaient que jamais on pût appliquer l’emploi de la vapeur à ces voies de communication dont on s’est servi d’abord pour transporter du charbon[1], et sur lesquelles les chariots que traînaient des chevaux ont été remplacés par des wagons qui ont déjà fait trente lieues à l’heure. Peut-être des progrès semblables sont réservés à l’électro-magnétisme, qu’on tente aujourd’hui de substituer à la vapeur. En attendant, le télégraphe électrique fait un usage merveilleux de cette puissance nouvellement découverte. Il y a maintenant aux États-Unis cinq mille lieues de fils télégraphiques.

J’ai trouvé encore cette fois mes compagnons de route fort sociables et point indiscrets ou importuns. Comme on m’accuse de partialité à cet égard, je vais laisser parler un Anglais dont le voyage a été entrepris surtout pour démontrer les avantages dont jouit le Canada par son union à la mère-patrie, et qui les oppose avec complaisance à la prospérité des États-Unis. Ce voyageur ne peut donc être suspect de complaisance ou d’engouement à leur égard. « Un Américain bien élevé, dit M. Tremenheere, est toujours prêt à déployer la plus grande cordialité et la plus grande bienveillance pour un étranger, sur la moindre recommandation et même sans recommandation, dans les rencontres fortuites de la vie d’hôtel ou en voyage : j’ai constamment trouvé chacun disposé à répondre, si l’on entrait en conversation avec lui, et très empressé, quand l’occasion s’en présentait, à tous les actes de courtoisie et de politesse. » Comment concilier ce témoignage avec les accusations de tant d’autres voyageurs contre le manque de savoir-vivre des Américains ? Cette différence a, je crois, deux causes : M. Tremenheere a moins de préventions que la plupart de ses compatriotes contre ce pays, et il y a voyagé plus récemment.

Je m’attendais à trouver Philadelphie entièrement différente de New-York. J’avais rêvé une ville tranquille, à l’air quaker ; mais l’activité uniforme des Américains tend à donner à tous les grands centres de population une physionomie semblable. Philadelphie n’est plus guère la ville de Penn. Les quakers du reste avaient cessé d’y être dominans à l’époque de la révolution. Certains quartiers ont cependant un aspect plus paisible et plus ancien que New-York. Il n’y a pas une rue aussi dominante que Broadway ; nulle part on n’a le spectacle d’un aussi grand mouvement, mais il en règne encore un très grand dans les rues principales. Philadelphie est une ville surtout manufacturière, et New-York une ville surtout commerçante : c’est Birmingham et Liverpool.

  1. Les chemins à rails en bois ont été employés à cet objet dès 1649 près de Newcastle.