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die, toujours gaie, toujours belle : d’honneur, c’est un diamant dans la société.

Bartholo. — Maudit bavard !

Mlle Luzzi, riant. — Ah ! ah ! ah ! ah ! laissez-le donc se tirer de là, docteur, et nous expliquer comment je suis un diamant.

Figaro, gaiement. — Ainsi que toutes les jolies femmes. La nature, en se jouant, féconde la mine abondante où nous puisons ces diamans-là. La jeunesse est le lapidaire qui les développe et les taille ; la parure élégante est l’alvéole qui les enchâsse ; notre imagination, la feuille qui les brillante ; enfin l’amour, belle Luzzi, n’est-il pas… le joaillier qui les met en œuvre ?

Mlle Luzzi. — Hum ! mauvais plaisant ! Et l’hymen que vous oubliez ?

Figaro. — C’est, si vous voulez, le marchand qui les met dans le commerce.

Bartholo. — Que le diable emporte le metteur en œuvre, le marchand et le diamant ; j’ai perdu la plus sublime idée !

Le comte, à Mlle Luzzi. — J’espère que son courroux ne nous privera pas du plaisir de vous entendre.

Mlle Luzzi. — Au moins, messieurs, c’est vous qui voulez que je chante ?

Bartholo. — Ah ! point du tout.

Figaro. — Certainement.

Le comte. — Nous jugerons si l’air eût fait plaisir.


Mlle Luzzi chante.

Quand dans la plaine
L’amour ramène, etc.[1].

Le comte. — Fort joli, d’honneur.

Figaro. — C’est un morceau charmant.

Bartholo. — Eh ! allez au diable avec votre morceau charmant. Je ne sais ce que je fais, moi ; voilà que j’ai lardé mon compliment d’agneaux, de chiens et de chalumeaux… Don Basile, à cette heure…


La scène avec Basile n’est qu’une variante de la scène de mystification du Barbier. Basile est censé ignorer que c’est le jour de la clôture, et il veut annoncer au public la pièce qu’on jouera demain. Figaro le mystifie de son mieux, et chacun lui répète le fameux mot : Allez vous coucher[2]. Après que Basile s’est retiré, Bartholo continue à se démener, mais son compliment n’avance guère. Il s’adresse enfin à Figaro et au comte :

  1. On doit supposer naturellement que Mlle Luzzi fut applaudie à outrance par le public.
  2. Cet allez vous coucher de la scène de mystification du Barbier avait eu un tel succès, que le bruit en était parvenu jusqu’à Voltaire et l’inquiétait. Voici pourquoi : le père d’Irène, dans la tragédie de ce nom, qu’il composait alors, se nommait d’abord Basile. Voltaire écrit à ce sujet à M. d’Argental : « M. de Villette prétend que le nom de Basile est très dangereux depuis qu’il y a un Basile dans le Barbier de Séville. Il dit que le parterre crie quelquefois : Basile, allez vous coucher, et qu’il ne faut avec les welches qu’une pareille plaisanterie pour faire tomber la meilleure pièce du monde. Je crois que M. de Villette a raison ; il n’y aura qu’à faire mettre Léonce au lieu de Basile par le copiste de la Comédie. Heureusement le nom de Basile ne se trouve jamais à la fin d’un vers, et Léonce peut suppléer partout. Voilà, je crois, le seul embarras que cette pièce pourrait donner. »