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comédie en un acte dont l’idée est assez originale et dont le dialogue offre toutes les qualités de l’auteur du Barbier de Séville. Ne pouvant reproduire ici en entier ce petit proverbe, joué, mais resté inédit, nous le ferons du moins connaître par des citations assez nombreuses.

Voici d’abord ce qui me paraît lui avoir donné naissance. En introduisant au Théâtre-Français une pièce d’un comique aussi haut en couleur que le Barbier, Beaumarchais avait voulu briser les entraves un peu étroites dans lesquelles on enfermait alors ce théâtre, auquel on interdisait, au nom du bon ton et de la bonne compagnie, toute pièce rappelant plus ou moins l’ancienne comédie d’intrigue. On permettait bien aux farces ingénieuses de Molière, comme les Fourberies de Scapin ou Pourceaugnac, de reparaître de temps en temps sur la scène, parce qu’elles étaient de Molière, et qu’après tout, ces farces charmantes ayant amusé Louis XIV et sa cour, on n’osait pas se déclarer plus difficile que le grand roi ; mais il était interdit aux auteurs vivans de marcher, même de loin, sur les traces du maître. Et comme le Théâtre-Français avait seul le droit de jouer la comédie proprement dite, il n’y avait presque pas de nuances intermédiaires entre les farces grossières du boulevard et le genre de comédie qui florissait alors, genre un peu froid, guindé et maniéré, sans être plus moral quant au fond des idées et des situations. On a vu avec quelle impétuosité déréglée Beaumarchais avait d’abord tenté d’abolir cette scrupuleuse distinction des genres par une comédie beaucoup trop chargée, dont les défauts avaient justement choqué le public, et comment, après l’avoir considérablement retouchée, il l’avait fait accepter et triompher, bien qu’elle offrît encore des nuances très fortes. Cependant cela ne suffisait pas à l’auteur du Barbier ; il ne lui suffisait pas de restaurer au Théâtre-Français un peu de la vive gaieté d’autrefois et de faire applaudir à outrance par le parterre les éternuemens de Dugazon dans le rôle du vieux valet La Jeunesse. Il voulait plus encore : il voulait non-seulement qu’on rît à gorge déployée, mais qu’on chantât sur le théâtre de MM. les comédiens ordinaires du roi. Ceci était énorme et essentiellement contraire, disait-on, à la dignité de la Comédie-Française. Néanmoins, comme Beaumarchais ne renonçait pas facilement à ce qu’il voulait, on avait essayé, pour lui plaire, de chanter à la première représentation les airs qu’il avait placés dans le Barbier ; mais, soit que les acteurs s’acquittassent mal de ce labeur inaccoutumé, soit que le public ne goûtât pas cette innovation, tous les airs avaient été impitoyablement sifflés[1], et il avait fallu les supprimer à la reprise de la pièce. Il en était un cependant auquel Beaumarchais tenait beaucoup, c’était le fameux air de Rosine au troisième acte :

  1. Excepté le couplet grotesque chanté par Bartholo au troisième acte, qui fut conservé.