Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/545

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avait été d’abord composée en cinq actes. C’est une erreur, le texte primitif était en quatre actes, comme le texte définitif, dont il diffère d’ailleurs beaucoup à d’autres égards. Le manuscrit du Barbier déposé aux archives de la Comédie-Française est précisément ce texte primitif dont la composition remonte à la fin de 1772 ; il n’est conforme ni à la pièce telle qu’elle a été jouée pour la première fois, ni à la pièce telle qu’elle a été imprimée, mais il est en quatre actes comme la pièce imprimée[1], et la date du manuscrit est fixée par la note suivante, écrite de la main de Beaumarchais sur le dernier feuillet :


« Je déclare que le présent manuscript (sic) est parfaitement conforme à celui qui a été censuré de nouveau par M. Artaud, après l’avoir été, il y a plus d’un an, par le sieur Marin, et parfaitement conforme à celui qui est entre les mains de M. de Sartines, et sur lequel les comédiens français ont inutilement reçu déjà deux fois la permission de représenter la pièce. Je supplie monseigneur le prime de Conti de vouloir bien le conserver pour l’opposer à tout autre manuscript ou imprimé de cette pièce que l’on pourrait faire courir en y ajoutant pour me nuire des choses qui n’ont jamais été ni dans ma tête ni dans ma pièce, protestant que je désavoue tout ce qui ne sera pas exactement conforme au présent manuscript.

« Caron de Beaumarchais. »
« À Paris, le 8 mars 1774. »


Sur la première page du même manuscrit on lit encore ces mots écrits par Beaumarchais :

« Manuscript de l’auteur sur lequel seul la pièce sera jouée, si elle doit jamais l’être.

« Caron de Beaumarchais. »


Cette déclaration, en mars 1774, était sincère, mais elle était faite pour le besoin de la cause ; en février 1775, les circonstances n’étant plus les mêmes, Beaumarchais ne tient pas plus de compte de sa déclaration que si elle n’avait jamais existé, et il retouche considérablement sa pièce. Il en résulte que le manuscrit du Théâtre-Français n’est conforme, comme nous le disions, ni à la pièce telle qu’elle a été jouée pour la première fois ni à la pièce telle qu’elle a été imprimée. Le texte d’après lequel a eu lieu la première représentation est celui du manuscrit censuré par M. Artaud, en 1774, dont Beaumarchais vient de parler plus haut ; il était d’abord le même que celui du manuscrit primitif ; mais l’auteur l’a considérablement modifié, en 1775, au

  1. Je dois la communication du manuscrit du Théâtre-Français, qu’il était important pour moi de pouvoir comparer au mien, à l’obligeance d’un des sociétaires de ce théâtre, M. Régnier, qui n’est pas seulement un artiste d’un talent distingué, mais qui est de plus un homme de savoir et de goût très versé dans l’histoire de la littérature dramatique, et prenant un intérêt aimable et complaisant à tous les travaux consciencieux.