Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/533

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par l’explosion, cinq autres furent blessés ; un midshipman mourut quelques jours après de ses blessures.

Le Columbine, avec l’assistance du Canton, suivit alors la côte et apprit des pêcheurs qu’il interrogea que vingt-trois jonques s’étaient réfugiées dans une baie profonde et sinueuse située à cinquante milles environ dans l’est de Hong-kong. Le capitaine Hay, en pénétrant dans l’intérieur de ce golfe, put en effet reconnaître vingt-trois jonques embossées au fond d’une crique à laquelle conduisait un étroit chenal, impraticable pour tout autre navire qu’un steamer. Il s’établit à l’entrée de ce chenal et envoya le Canton demander du renfort à Hong-kong. Le lendemain, au point du jour, le Fury, steamer de 515 chevaux, se trouvait mouillé à ses côtés. Le plan d’attaque fut promptement arrêté. On résolut de ne pas s’embarrasser du Columbine dans une passe difficile et de franchir le chenal avec le Fury, dont l’artillerie était plus que suffisante pour garantir à l’expédition un succès complet. Le Fury, armé de canons à la Paixhans du calibre de 68 et de 86, était le plus magnifique navire à vapeur que possédât alors la marine anglaise. Ce puissant steamer fut bientôt à portée de canon des pirates ; Ces derniers essayèrent, dit-on, de résister ; mais leur feu impuissant n’atteignit qu’un seul homme à bord du Fury, et encore la blessure fut-elle des plus légères. L’effet des obus européens fut au contraire terrible. Des témoins oculaires m’ont affirmé que, servies avec une précision remarquable, les lourdes pièces à pivot du steamer avaient rarement manqué leur but et qu’il avait souvent suffi d’un obus pour incendier ou couler à fond une de ces jonques, dont la moindre jaugeait plus de 200 tonneaux. Au bout de quarante-cinq minutes, le feu avait cessé complètement. Quatre-cents pirates avaient péri dans ce court engagement, et les hauteurs étaient couvertes de fuyards qui, s’étant jetés à la mer dès le commencement de l’action, cherchaient à se retirer dans l’intérieur. Leur chef, Chui-a-poo, blessé grièvement, échappa cette fois encore à la vengeance des Anglais, qui poursuivaient en lui l’assassin de deux de leurs officiers, le lieutenant Dwyer et le capitaine du génie Da Costa, égorgés sur le territoire même de Hong-kong, au mois de mars 1849.

Le succès de cette expédition ne manqua point d’être exploité par le gouverneur de Hong-kong, qui crut y trouver l’occasion de réparer l’échec moral qu’il avait subi au mois d’avril. M. Bonham se flattait d’avoir recouvré par cet acte de vigueur le respect que les Chinois n’accordent qu’à la force ; sa correspondance avec le vice-roi de Canton porta l’empreinte de cette confiance.

Dans plusieurs occasions, lui écrivit-il, j’ai dû entretenir votre excellence des actes de piraterie qui se commettaient sur les côtes de la Chine ; mais