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gouvernement chinois, il s’émut des pas qu’il avait faits dans la voie de l’intervention et refusa formellement d’en faire de nouveaux. Pour qui avait pu apprécier le caractère honorable du plénipotentiaire américain et l’esprit chevaleresque du commodore Geisinger, il était évident que cette retraite ne pouvait s’expliquer que par des échanges de notes diplomatiques. Ni l’un ni l’autre n’eussent voulu laisser l’établissement portugais exposé aux assauts de bandes sans aveu : toute attaque de pirates, tout soulèvement populaire eussent trouvé les marins du Plymouth et du Dolphin prêts à les réprimer sans le moindre ménagement ; mais, dans l’opinion du ministre des États-Unis, les principes rigoureux du droit des gens ne permettaient point aux représentans étrangers d’assumer un rôle plus actif dans cette querelle et de s’associer à la poursuite d’une réparation qui ne concernait, après tout, que le Portugal. M. Forth-Rouen se montra vivement blessé de cette défection. Impatient de manifester d’une façon plus formelle et plus apparente encore son entier dévouement à la cause dont il avait dès le premier jour embrassé la défense, il crut devoir m’inviter à faire entrer la Bayonnaise dans le port intérieur de Macao. Par cette démarche, le ministre de France donnait une forme en quelque sorte palpable à notre intervention. Il couvrait, moralement du moins, tout un côté de la ville, le côté le plus accessible et le plus vulnérable ; il plaçait pour ainsi dire le pavillon français entre Macao et ses ennemis.

Nous songions depuis longtemps a entreprendre des réparations que les exigences d’un service actif avaient pu seules nous conseiller de différer. Le doublage de la corvette était dans un état déplorable. Pas une feuille de cuivre qui ne fût rongée et n’offrît de nombreuses déchirures. Si les vers térébrans, si actifs dans les mers tropicales, se fussent attaqués à la carène de la Bayonnaise ainsi mise à découvert, des bordages entiers n’eussent pas tardé à être percés de mille trous. Il était donc arrêté dans notre esprit qu’au premier moment favorable, nous abattrions la corvette en carène pour remplacer une partie de son cuivre. Cette opération se fût faite avec plus d’avantage et de facilité à Manille, on pouvait à la rigueur l’exécuter à Macao ; ce fut le prétexte que je choisis pour répondre aux intentions de M. Forth-Rouen sans paraître sortir encore des limites d’une stricte neutralité.

Déjà notre artillerie, nos projectiles, nos vivres, nos approvisionnemens, transportés par des bateaux chinois, avaient été débarqués à terre. La corvette allégée n’attendait qu’une marée favorable pour franchir la barre du port intérieur. Une circonstance imprévue vint ajourner notre appareillage. La mousson de sud-ouest touchait, à sa fin, et les vents montraient depuis quelques jours une tendance marquée