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couloirs ? Comment la France aurait-elle terminé les affaires belges en 1838, comment serions-nous sortis des complications de l’affaire d’Orient en 1840, comment aurait fini la question d’Espagne en 1846, si la couronne ne s’était plus d’une fois résolument découverte ? Quel souvenir laisserait aujourd’hui dans l’histoire cette monarchie, si elle n’avait été qu’un champ-clos ouvert devant quelques orateurs admirables par la parole et stériles par les œuvres ? Cette action personnelle s’est exercée d’ailleurs dans le sens manifeste des intérêts français el en dehors, quoi qu’on en ait pu dire, de toute préoccupation d’alliance exclusive. La maison d’Orange dépossédée de la Belgique et le royaume des Pays-Bas dissous en 1831, l’Algérie colonisée et conquise pied à pied de 1830 à 1848, le drapeau français planté dans l’Océanie en 1842, le droit de visite retiré et les mariages espagnols conclus, ce ne sont pas là des gages de complaisance donnés à la Grande-Bretagne ; et si la chute de la monarchie de 1830 a suscité de nobles regrets en Angleterre, ils ont été payés à un gouvernement libéral beaucoup plus assurément qu’à un gouvernement allié.

Mais le roi Louis-Philippe, si supérieur qu’il fût par son expérience au parti conservateur, dont il était l’âme et le guide, participait à toutes ses répugnances pour les tentatives nouvelles et pour l’extension des anciens horizons politiques. Jaloux des apparences en même temps que des réalités du pouvoir, il lui répugnait de consentir à des changemens, soit dans les choses, soit dans les hommes, qui auraient semblé infirmer son autorité personnelle. Il ne trouvait rien à modifier dans un mécanisme qui n’élevait devant lui aucun obstacle dont il n’eût triomphé, et il ne vit pas malheureusement que, puisqu’il persistait à ne pas modifier les institutions, il aurait fallu changer souvent les parlemens, afin d’empêcher du moins les ambitions déçues de livrer à ces institutions elles-mêmes un assaut que dans leur faiblesse elles étaient incapables de supporter. Rêver, comme ce prince le fit aux dernières années de son règne, l’immobilité dans les hommes et dans les lois était une espérance non moins imprudente que contradictoire : le mécanisme constitutionnel de 1830 ne comportait point une telle chose.

La maison d’Orléans a succombé sous le succès et en partie par l’effet des précautions prises pour se placer en dehors de toute atteinte. Plus ouvertement attaquée aux derniers temps de son règne, elle aurait rencontré des amis plus vigilans, et le cri de l’ennemi aurait du moins éveillé les sentinelles. Lorsqu’on argue contre le gouvernement représentatif de cet échec si imprévu et si terrible, on est en dehors de la vérité comme de la justice. Durant la première période de son établissement, ce gouvernement a résisté par la puissance