Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/453

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

septembre 1835, époque où le plus atroce des attentats provoqua une législation assez fortement répressive pour désarmer les partis et faire succéder aux dangers sortis de leurs tentatives ceux qu’allait susciter le caractère même des institutions. Le cabinet formé le 11 octobre 1832 et dissous le 22 février 1835 correspond à cet intervalle de quatre années, l’un des plus dignement remplis de notre histoire constitutionnelle. Modifié plusieurs fois dans sa composition, il demeura, jusqu’à sa dissolution définitive, fidèle à la pensée politique dont il était sorti, et conserva d’ailleurs dans son sein les élémens principaux qui en constituaient l’importance. Notre travail a été commencé avec la ferme résolution de prononcer le moins de noms propres possible. Nous ne saurions toutefois nous refuser au légitime orgueil de rappeler ici les trois grandes personnalités qui dans ce ministère se complétaient si heureusement l’une par l’autre et se prêtaient mutuellement un si précieux concours. Le cabinet du 11 octobre montra à la France et à l’Europe, dans le conseil et à la tribune, des hommes, expressions profondément dissemblables d’une même idée et d’un même intérêt social, qui, par la diversité de leurs caractères et de leurs aptitudes, concoururent à l’unité d’action et aux éclatans succès du pouvoir dans cette période si troublée, mais si pleine. MM. de Broglie, Guizot et Thiers, c’étaient la conscience politique dans ses inspirations les plus pures, le talent dans son éclat le plus magnifique, l’esprit dans ses ressources les plus inépuisables. Est-il beaucoup de spectacles plus grands que celui que présentaient alors de pareils hommes, réunis d’intention pour sauvegarder l’ordre social et la paix du monde ? S’il est vrai que la force soit le premier attribut du pouvoir, n’était-ce pas aussi le plus imposant symbole de la puissance publique que cette tribune qui rendait vaines toutes les machinations de l’anarchie, où la parole triomphait du poignard, et le bon sens de la violence ?


III

Le ministère du 11 octobre était placé entre deux grands partis, dont l’un l’affaiblissait par son attitude passive, et l’autre par ses audacieuses agressions. Il était appelé à soutenir une lutte terrible contre la démagogie, désarmé d’une notable portion des forces dont la France a pu disposer dans les épreuves qui ont suivi 1848 pour se relever du fond de l’abîme. Après 1830, le parti légitimiste avait emporté dans la retraite cette puissance qui s’attache aux croyances religieuses universellement pratiquées, aux vieilles traditions domestiques et aux situations patrimoniales indépendantes. L’isolement était et son droit et son devoir. Ce parti ne pouvait avec honneur