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en parfaite entente cordiale avec ce ministère. Il demande des réformes sur presque toutes les matières de gouvernement ; il serait content qu’on fit un peu violence à ses préjugés, et qu’on engageât la nation prudemment dans des voies nouvelles. De là résulte une certaine timidité et une grande circonspection dans l’opinion publique. Le cabinet s’efforce, autant qu’il est en lui, de répondre par ses actes à ce désir du mieux et à cette crainte du pire : réformes coloniales, réformes parlementaires, plans d’éducation, conversion de la dette publique, il touche à tout, mais d’une main prudente, et sans s’aventurer. Il essaie, il tâtonne, il propose, il donne son avis et demande celui des autres. C’est là le seul rôle que pendant longtemps les cabinets anglais devront jouer, s’ils veulent ménager une conciliation entre l’esprit nouveau, qui gagne du terrain de jour en jour, et l’esprit du passé.

C’est cette timidité qui explique peut-être le plan de finances que M. Gladstone a présenté récemment devant le parlement. Le public attendait mieux ; toutefois il a accepté ce plan avec joie et plaisir. Le projet de M. Gladstone contient trois propositions principales très distinctes : la première se rapporte à la liquidation de certaines rentes connues sous le nom de fonds et d’annuités de la Mer du Sud, et montant ensemble à la somme assez modique de 9,500,000 livres sterling. La liquidation de ces rentes aurait pour effet de simplifier l’administration de la dette, et de débarrasser le budgel de détails gênans et complexes. Les deux autres propositions se rapportent aux bons de l’échiquier et aux rentes 3 pour 100, dont le capital s’élève à la somme de 500 millions sterl., et que M. Gladstone propose d’abaisser à 2 1/2 pour 100. Différentes parties de ce plan ont été vivement critiquées, par exemple celle dans laquelle M. Gladstone, pour encourager les possesseurs de rentes à adopter ses plans, offrait - à tous ceux qui les auraient acceptés avant le 6 du mois prochain – 110 livres sterling d’un nouveau 2 1/2 pour 100 contre chaque 100 liv. sterl. du 3 pour 100 actuel, en leur assurant l’intérêt à 2 1/2 pour quarante ans. Cette combinaison, en diminuant l’intérêt réel, accroissait le capital de la dette, de 10 pour 100. Il est vrai de dire que M. Gladstone proposait d’en borner l’application à 30 millions sterling de capital. Cette opinion a été combattue presque universellement. Son invention des bons de l’échiquier payables au porteur et portant intérêt a été combattue moins vivement ; néanmoins les organes de la presse se sont encore partagés à cet égard. En somme, ce plan financier a excité, quelque désappointement, mais aucun mécontentement, et son plus grand défaut parait être de rendre impossible d’ici à 1894 toute espèce d’opération nouvelle. La conversion proposée par M. Gladstone n’est pas aventureuse, et n’est qu’un auxiliaire nouveau pour l’amortissement annuel de la dette ; elle ne simplifie que quelques détails. Nous aurons occasion d’y revenir avec les prochains débats du parlement.


CH. DE MAZADE.


V. DE MARS.