Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/421

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le chiffre de l’armée ; c’est le maintien de l’état actuel. Du reste, ce n’est pas la seule loi ayant trait à l’organisation militaire dont on s’occupe en ce moment en Belgique, il y a tout à la fois en discussion une lui sur l’organisation de l’armée, une loi sur la milice et une loi sur la garde civique, chose d’autant plus singulière que la Belgique n’a point à se défendre contre des tentatives intérieures de bouleversemens. Quelque animés que soient les partis souvent, leur animation ne va pas jusqu’à la violence révolutionnaire, il n’est pas de pays où des institutions plus larges fonctionnent plus régulièrement et avec moins de peine. C’est incontestablement un grand avantage pour la Belgique que cette solidité d’institutions ; elle n’a point à user ses forces dans les réactions, dans l’incertitude perpétuelle entre des excès opposés.

L’écueil au contraire des pays qui ont été agites par de longues révolutions, dont les institutions ont souvent dépassé les mœurs, c’est que pendant longtemps ils en sont encore à chercher un point d’appui, une mesure dans leur développement politique, et ce n’est point sans crises, sans danger souvent, qu’ils se livrent à cette laborieuse recherche. Il n’en est pas d’exemple plus frappant que l’Espagne. Il y a quelque jours encore, l’Espagne semblait être rentrée dans une situation plus normale, un ministère nouveau s’était formé ; les cortès étaient ouvertes et tenaient leur session régulière. Voici cependant que coup sur coup les cortès ont été suspendues, et le ministère a remis sa démission. Comment s’est produite cette péripétie nouvelle ? Malheureusement il s’était développé dans les chambres une animosité, une ardeur de récriminations personnelles qui atteignait à la plus extrême limite. Tandis que le général Prim prononçait dans le congrès un discours de tribun révolutionnaire, dans le sénat un maréchal de l’armée, le capitaine-général Manuel de la Concha, mettait en cause le duc de Rianzarès, mari de la reine Christine, à l’occasion d’une discussion sur les chemins de fer. C’est cet ensemble de violences sans retenue qui a motivé sans doute la suspension des cortès. Il reste à savoir maintenant ce qui a causé la dissolution du cabinet lui-même. C’est une situation d’autant plus grave, qu’il se trouve toujours là, comme on sait, cette difficile question de la réforme constitutionnelle. On ne saurait se dissimuler que l’Espagne est aujourd’hui en présence d’une des crises les plus graves qu’elle ait traversée depuis longtemps.

Le cabinet anglais actuel ne semble pas destiné, comme quelques-uns de ses aînés, à accomplir l’une de ces grandes reformes, telles que le libre échange, le bill de réforme, l’émancipation des catholiques ou l’abolition de l’esclavage, qui font date dans l’histoire parlementaire de la Grande-Bretagne, il semble que ce cabinet soit destiné à un rôle moins glorieux, mais non moins utile, celui de débarrasser le gouvernement et l’administration d’une foule d’abus existans, de battre en brèche quelques préjugés de plus, de donner satisfaction aux idées de réforme sur presque tous les points dont l’opinion publique s’est préoccupée. Ce cabinet de coalition, dont l’avènement fut regardé comme l’acte de déchéance des anciens partis et l’abdication de la vieille politique anglaise, n’a pas inauguré une autre politique, mais il en prépare lentement une nouvelle que des hommes d’état plus hardis, plus jeunes, mettront à exécution dans des jours moins difficiles. Le public anglais est