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pouvoir être arrêtés dans leurs progrès par la jalousie inquiète de l’étranger. Un courant irrésistible les porte de ce côté, et le triomphe éclatant du parti démocratique à la dernière élection présidentielle n’est que le signe précurseur de l’orage qui va éclater. Si l’Europe doit quelque considération au gouvernement du président Fillmore pour ses tendances pacifiques, pour la bonne volonté qu’il a montrée dans toutes les circonstances où il a cru pouvoir essayer de résoudre par la diplomatie les questions brûlantes qui ont été soulevées sous son administration, l’opinion publique aux États-Unis ne se croit pas obligée aux mêmes égards. La résistance des whigs, résistance plus loyale qu’heureuse à tous les projets des flibustiers sur l’île de Cuba, la querelle maladroite qu’ils avaient commencée avec le Pérou à propos des îles Lobos, l’affaire des pêcheries dans laquelle ils n’ont rien su obtenir, le peu d’aide qu’ils ont fournie à tous les aventuriers qui se précipitent sur le Mexique pour le dépecer, la nullité des résultats produits par le traité Clayton-Bulwer, que l’on est maintenant aux regrets d’avoir ratifié, toutes ces causes avaient suscité un mécontentement réel dans les masses, et elles ont porté le général Pierce au pouvoir avec la plus grande majorité qu’aucun candidat à la présidence de l’Union ait jamais obtenue. Quoiqu’il n’eût pas sollicité cet honneur, il a répondu à l’appel en homme décidé, et ce qu’il a dit dans son discours d’inauguration de l’extension que peut prendre encore le territoire des États-Unis, les choix qu’il a faits en composant son ministère d’hommes qui ont été avec lui les héros de la guerre du Mexique, prouvent qu’il sait très bien quel est le caractère de la mission qui lui a été confiée par ses compatriotes. M. Pierce reprendra l’œuvre de M. Polk, et s’il ne l’achève pas, du moins il fera faire une nouvelle étape aux conquérans de la race anglo-saxonne ; il portera le drapeau des États-Unis de quelques marches en avant vers le but actuel de leurs plus vils désirs, l’occupation de l’isthme qui leur permettra d’aspirer à la prépondérance sur les deux océans. Ce n’est qu’une affaire de temps et un avenir que ni l’Angleterre, ni la France, ni personne ne peut empêcher de se réaliser. Et d’ailleurs, sauf l’Angleterre, qui est-ce qui songe à le retarder ?


XAVIER RAYMOND.