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Revue, et sur le mérite desquels il n’est pas besoin d’insister de nouveau. Sans doute quelques publications se préparent, qui fourniront aux amateurs et aux curieux l’occasion d’envisager sous un aspect plus général les productions où se reflète l’état actuel de la peinture française. Déjà même, M. Henriquel-Dupont a mis la dernière main à son Hémicycle de l’École des Beaux-Arts, travail immense et certainement promis à un éclatant succès. Un artiste qui doit à de longues études d’après les maîtres italiens L’intelligence de la forme et du style sévères, M. Pollet, grave la Vénus et la Stratonice de M. Ingres. Quelques autres graveurs encore s’occupent de populariser par le burin les œuvres principales de l’école actuelle. Il n’en est pas moins vrai que les honneurs de la gravure en taille-douce sont réservés à peu près exclusivement aux compositions des anciens maîtres, et c’est le plus souvent aux humbles procédés de l’aqua-tinte ou de la lithographie que les peintres du XIXe siècle doivent limiter leur ambition.

M. Scheffer, par la réputation qu’il a depuis longtemps acquise et par le caractère élevé de son talent, peut sans doute concevoir une ambition plus haute, et, de tous les peintres auxquels les graveurs ont coutume de s’associer, il en est peu dont les titres soient jugés plus solides et les droits plus clairement établis. D’où vient pourtant qu’au lieu de jouir dans toute son étendue d’un privilège aujourd’hui si rare, il semble l’amoindrir de plein gré, et n’accepter le concours des graveurs qu’en vue d’une reproduction appauvrie et systématiquement incomplète. La plupart des estampes d’après les tableaux de M. Scheffer ont l’apparence d’estampes inachevées ou faites d’après des dessins. Des contours rigides, à peine renforcés d’ombres pâles, peu ou point de demi-teintes et par conséquent de modelé, un effet général si subtilement indiqué qu’il dégénère en monotonie ; voilà ce qui donne à ces planches, participant à la fois des conditions de la gravure au trait et des conditions ordinaires de la gravure, un caractère indéterminé, quelque chose du style valétudinaire des artistes allemands uni au goût plus sain, mais ici volontairement affaibli de l’école française. La méthode imposée, à ce qu’il semble, par M. Scheffer aux graveurs qui travaillent d’après lui, ne saurait ni favoriser leurs succès, ni renouveler les succès obtenus par le peintre. La Marguerite sortant de l’église, l’une des œuvres les plus distinguées de cet ingénieux pinceau, n’a-t-elle pas pris dans l’estampe qui la reproduisait, il y a quelques années, l’aspect d’une œuvre assez faiblement conçue et bien timidement exécutée ? et M. Henriquel-Dupont lui-même a-t-il réussi, dans sa planche du Christ consolateur, à faire accepter cette méthode d’interprétation négative ?

L’estampe que M. Blanchard a récemment publiée sert de pendant à celle de M. Henriquel-Dupont, et représente le Christ rémunérateur. Exécutée en vertu de ces principes un peu confus auxquels se soumettent d’ordinaire les graveurs de M. Scheffer, elle ne reflète ni des qualités fort précises, ni des défauts tout à fait évidens. Est-ce aux imperfections de l’original ou à l’infidélité de la copie qu’il convient d’attribuer la froideur de l’ensemble, l’exiguité du style et cette impression de menue poésie, ce menu sentiment religieux que fait naître la vue du Christ rémunérateur ! Le plus sage peut-être serait de rendre le peintre et le graveur également responsables de l’insuffisance