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alors même que le sang se mélange directement avec le chyle et la lymphe, les dispositions anatomiques assurent un résultat tout pareil. Lorsque le sang d’un côté, le chyle et la lymphe de l’autre, sont renfermés dans des cavités distinctes et sans communication, il devenait nécessaire que ces deux derniers liquides eussent leur respiration spéciale. Des milliers d’observations m’avaient depuis longtemps démontré qu’il en était bien ainsi. Chez les vers en particulier, le liquide de la cavité générale respire tout aussi bien que le sang lui-même[1] ; mais jusqu’à ce jour j’avais constamment vu la peau se charger seule de cette fonction. L’air n’exerçait son action sur le liquide dont il s’agit que par les tégumens, tantôt du corps entier, tantôt de quelque partie servant d’ailleurs à d’autres usages. On ne connaissait pas d’animal possédant des organes spéciaux pour la respiration du chyle et de la lymphe.

Or, dès mes premières observations sur le branchellion, je constatai un fait qui me donna à penser. Les appendices latéraux ne sont pas complètement semblables : les uns sont minces et foliacés dans toute leur étendue ; les autres, au nombre de vingt-deux, régulièrement espacés et disposés par paires, ont à leur base un renflement hémisphérique à demi transparent. Dans chacun de ces mamelons, je voyais une espèce d’ampoule se dilater et se contracter régulièrement à la manière d’un cœur. Telle est, en effet, la nature de cet organe, et le liquide qu’il renferme est le sang de l’animal. Mais le sang se montrait chez les individus bien portans teinté d’un beau rouge groseille, tandis que le liquide, circulant dans les appendices eux-mêmes, restait parfaitement incolore. Ces deux liquides ne pouvaient donc être de même nature. Si l’un était le sang proprement dit, l’autre ne pouvait guère être que le liquide de la cavité générale. Telle fut la conclusion que je tirai de l’observation seule et que l’expérience vint confirmer, lui injectant par les vaisseaux, je remplis toutes les ampoules sans jamais arriver dans les appendices. Pour pénétrer dans ces derniers, il me fallut porter l’instrument dans les lacunes, c’est-à-dire dans une des dépendances de la cavité générale, et j’obtins alors le résultat dont j’ai parlé plus haut. Ainsi les appendices latéraux du branchellion n’étaient pas seulement des branchies, c’étaient en outre des branchies lymphatiques.

Enfin, en pratiquant l’injection comme je viens de le dire, je n’avais pas seulement injecté les appendices. Le liquide coloré avait gagné l’intestin et dessiné à sa surface des réseaux à large maille. En outre, il avait rempli un vaisseau spécial placé de chaque côté sous

  1. Ces faits et les conséquences qui en découlent ont été combattus. J’ai le plaisir de les voir chaque jour confirmer d’une manière d’autant plus irrécusable que ceux qui les répètent croient parfois les avoir découverts.