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en vain quelques gentilshommes, mêlés à de simples soldaTs, atteignent-ils le sommet de la brèche ; ils sont aussitôt précipités au milieu des décombres, et lorsqu’à la nuit tombante le duc d’Anjou fait sonner la retraite, il peut compter plus de 300 morts et un nombre infini de blessés, entre autres Tallard, qui mourut quelques jours après, Gonzague, Strozzi, Goas, et la plupart de ces gentilshommes que leur courage irréfléchi avait conduits au premier rang.

Le 8 et le 10 du même mois, les mêmes efforts sont tentés par les assiégeans avec un résultat tout pareil. Le 14 est désigné pour un quatrième assaut. Les mines placées sous le bastion de l’Evangile doivent donner le signal. Ces mines sont chargées et bourrées sous les yeux du duc d’Anjou entouré de toute sa cour. L’explosion emporte toute la pointe du bastion, en même temps que les débris, retombant sur l’année royale, écrasent, au dire de Brantôme, plus de 250 soldats ou pionniers. Les bataillons d’attaque s’élancent pour profiter d’un passage si chèrement acheté, mais ils trouvent sur la brèche des adversaires aussi résolus que les jours précédens. Rien ne peut entamer ce rempart vivant, et aux victimes de l’explosion les royalistes ont à ajouter les morts nombreux restés sur les débris fumans du bastion.

Quelque temps suspendues par l’apparition d’une flotte anglaise qui s’éloigna sans tirer un coup de canon, les opérations reprennent bientôt avec une activité extrême. Les royalistes reçoivent des renforts considérables et serrent de plus près la ville, où règne bientôt la famine. Chaque jour, de sanglantes escarmouches ont lieu tantôt dans les fossés, tantôt sur les plages laissées à sec par le reflux et où une population affamée va chercher les coquillages, devenus presque son unique nourriture. Des surprises de tout genre sont tentées, et l’une d’elles, faite de nuit par Sainte-Colombe, est près de réussir. De nouvelles mines bouleversent le bastion de l’Evangile, qui résiste le 28 avril à un cinquième assaut. Le duc d’Anjou recourt alors à des attaques générales. Le 17 mai, au moment de la basse mer, La Rochelle est assaillie sur tous les points et toujours sans succès. On recommence le 26 du même mois, et cette fois tous les chefs royalistes veulent payer de leur personne. Montluc est chargé du commandement en chef, Strozzi et Goas montent les premiers à la brèche à la tête de 6,000 Suisses qui viennent d’arriver au camp. Derrière eux viennent les gentilshommes guidés par le prince de Condé et les ducs de Guise et de Longueville. Les Rochelais les reçoivent avec leur intrépidité ordinaire, et tout d’abord Strozzi est blessé d’un coup d’arquebuse. Les soldats reculent, et l’assaut est interrompu. Il recommence bientôt plus furieux. La noblesse a pris la tête et s’élance avec une sorte de désespoir sur cette brèche toujours ouverte, toujours inabordable ; mais en vain s’épuise-t-elle en valeureux efforts, en vain cinq