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Strozzi, Gonzague, Crillon, Tallard, Goas, Brantôme, qui devait plus tard raconter ces guerres où il avait joué un rôle, et une foule de gentilshommes jaloux de se signaler sous les yeux de ces illustres chefs, avides de porter les derniers coups au parti calviniste.

Entourée aux trois quarts par la mer ou des marécages, La Rochelle ne pouvait être attaquée que par son côté nord. Là aussi seulement se trouvaient quelques fortifications modernes, et entre autres le bastion de la Vieille-Fontaine et celui de l’Evangile, que surmontait le cavalier de l’Epître. Ce fut en face de ce dernier que la tranchée s’ouvrit dans la nuit du 26 au 27 février 1573. Bientôt 60 pièces de siège tonnèrent sans relâche contre La Rochelle. Les tours et les clochers crénelés tombèrent l’un après l’autre. Le duc d’Anjou, croyant alors les assiégés frappés de terreur, les fit sommer de se rendre. Pour toute réponse, une double sortie ordonnée par Lanoue alla détruire en partie les travaux commencés. Les Rochelais ripostaient de leur mieux, et le 3 mars un boulet emporta le duc d’Aumale. Cette mort fut une grande perte pour les assiégeans. Elle leur enleva un chef aussi expérimenté que brave, exalta le courage des assiégés, terrifia la cour de France, et arracha à Catherine une lettre où elle se montre mère bien plus tendre qu’on ne le croit généralement[1].

Jacques-Henri n’était plus maire ; à l’expiration de sa magistrature, il avait été remplacé par Morisson, qui se montra son digne successeur. Les tranchées avaient atteint le fossé, qui devint le théâtre journalier de combats sanglans. 13,000 coups de canon avaient bouleversé le haut des remparts et ruiné en partie le bastion de l’Evangile. Alors les assiégeans construisent un pont mobile qui leur permettra de gagner le pied de la brèche à l’abri du feu des casemates. De leur côté, les assiégés fabriquent l’encensoir espèce de bascule destinée à verser des chaudrons de poix bouillante sur les assaillans. De part et d’autre, tout se prépare pour un premier assaut. Il est livré le 7 avril. Malgré les ordres formels du duc d’Anjou et de Gonzague, qui dirigeait le siège depuis la mort du duc d’Aumale, la noblesse se mêle aux soldats chargés de la première attaque. Guise, Clermont, Tallard, Tavannes et Crillon s’élancent dans le fossé et courent aux casemates, dont ils s’emparent d’abord ; mais le capitaine Duverger Beaulieu revient sur ses pas, et Guise est forcé de reculer, emportant Tallard blessé mortellement et laissant derrière lui de nombreux cadavres. Sur la brèche, Caussens et Goas ont rencontré Rochelais et Rochelaises. Celles-ci lancent des artifices, manœuvrent l’encensoir et rivalisent avec les hommes de courage et de mépris pour la mort. En vain les royalistes déploient une égale valeur, en vain de nouveaux renforts viennent combler leurs pertes,

  1. Cette lettre est en entier dans l’ouvrage du père Arcère.