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nouveau s’était formé pour exécuter cet arrangement imposé au pays. L’intention du parti national, on s’en souvient, avait toujours été de séparer le plus possible le Slesvig du Holstein, la partie danoise du royaume de la partie allemande, afin de réunir l’une plus étroitement au corps de la monarchie, en laissant l’autre se rapprocher de plus en plus de la confédération germanique, dont elle relève. L’établissement de la ligne des douanes sur l’Eider, c’est-à-dire entre le Slesvig et le Holstein, répondait parfaitement à cette pensée. Par la même raison, ceux qui veulent tenir toutes les parties du royaume rassemblées en un seul corps, sauf à donner à l’élément germanique, dans les affaires de la monarchie, plus d’influence qu’il n’en devrait avoir selon le parti national, pensaient que la ligne des douanes serait mieux placée sur l’Elbe, entre le Holstein et l’Allemagne proprement dite. Le ministère avait, dans cette vue, proposé un projet de loi pour la translation de la ligne des douanes de l’Eider à l’Elbe. La chambre du peuple, le Folkething, a rejeté cette proposition à la troisième lecture. La chambre cependant n’a point motivé ce vote par le fait de l’établissement de la ligne des douanes sur l’Elbe de préférence à l’Eider. Une pareille mesure découle nécessairement des engagemens contractés envers les cabinets de Berlin et de Vienne, engagemens que le parti national accepte tout en les déplorant ; mais la chambre n’a point voulu adopter une mesure si grave, sans être suffisamment informée des conséquences économiques qu’elle pourrait entraîner. Le vœu de la majorité serait d’obtenir une constitution commune à toutes les parties de la monarchie danoise, et de relier ainsi les intérêts moraux.les deux races avant de rattacher leurs intérêts matériels, afin de ne point s’engager à la légère dans un système d’union qui pourrait être préjudiciable à l’élément danois. Le ministère a répondu au rejet de son projet de loi par un décret de dissolution, et les collèges électoraux ont nommé une chambre qui ne différera pas très sensiblement de la chambre dissoute.

Une question qui n’est pas moins grave, et dont la portée est incontestablement européenne, complique cette situation. Le traité conclu à Londres en 1852, pour régler la succession au tronc de Danemark, a nécessité la présentation du projet de loi destinée régler ce grand intérêt. En tant qu’il confère l’hérédité à la ligne princière de Gluksbourg, ligne masculine, apte par conséquent à succéder dans le Holstein comme dans le Danemark même, le projet de loi est approuvé sans réserve et ne souffre aucune objection ; mais indépendamment de quelques points de détail qui ne sont pas acceptés avec la même faveur, il en est un qui soulève la plus vive opposition, par suite des inquiétudes qu’il cause pour l’avenir. En donnant au nouveau règlement de l’hérédité loyale son assentiment, comme chef de la maison de Holstein-Gottorp, l’empereur de Russie s’est réservé un droit éventuel de succession sur une partie du Holstein, en cas d’extinction de la descendance mêle de la ligne de Gluksbourg, appelée aujourd’hui au trône. Il pourrait donc arriver que, la couronne danoise tombant en déshérence, l’empereur de Russie fût admis à régner dans une partie du Holstein, et comme il est stipulé par le traité de Londres que toutes les parties de la monarchie doivent rester indissolublement unies, on pourrait voir, par une conséquence logique, un tzar mis en possession de la couronne danoise. Il est vrai que le traité de Londres réserve au roi de Danemark le droit de faire aux puissances étrangères des propositions