Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a sa majorité dans la chambre des députés, il l’a infiniment moins dans la chambre des pairs. Quand est venue, il y a peu de jours, la discussion de l’adresse en réponse au discours de la couronne, il se présentait naturellement une des questions les plus graves, celle de l’approbation des mesures dictatoriales prises l’an dernier par le duc de Saldañha. Le vieux duc voulait que ces mesures fussent approuvées par un vote général ; la chambre des pairs voulait au contraire procéder à un examen détaillé et sanctionner ou blâmer chaque mesure en particulier. Il se manifestait du reste, des symptômes évidens d’opposition. C’est alors qu’un conflit a été sur le point de s’élever. Le duc de Saldañha l’a tranché d’autorité par la nomination de vingt nouveaux pairs. Pendant huit ans de pouvoir, le nombre des nominations faites par le comte de Thomar ne dépassait pas quarante ; il y en a déjà vingt-huit depuis un an. C’est ce qui fait que la mesure du premier ministre portugais a causé quelque impression. Au fond, quelle est la situation du duc de Saldañha ? Bien que sa politique, soit assez difficile et à définir, qu’elle pût, après tout, se résumer dans le désir de rester au pouvoir, la réalité est qu’elle se distingue de celle des divers partis, — du parti septembriste, qui est la fraction révolutionnaire de l’opinion, et du parti chartiste conservateur ; dont le plus éminent représentant est le comte de Thomar. Le duc de Saldañha flotte entre les deux et s’appuie alternativement sur l’un ou sur l’autre. Ce qui fait sa force réelle bien plus que toute considération politique, c’est qu’il a pour lui l’année. Tant que cette force lui sera fidèle, il est infiniment probable qu’il restera premier ministre à Lisbonne. La politique portugaise vient de se signaler par un acte d’un autre ordre, inspiré par une pensée intelligente et féconde : c’est la signature d’un traité de commerce avec la France. Il ne manque plus aujourd’hui que la ratification des gouvernemens. C’est un acte d’autant plus important que c’est le premier traité de commerce signé par le Portugal avec un pays autre que l’Angleterre. C’est le premier pas fait dans une voie où le Portugal peut trouver un égal avantage au point de vue de son indépendance politique et de son développement commercial.

Le Danemark vient de rappeler l’attention sur ses affaires ; les difficultés qui l’ont si cruellement éprouvé depuis 1848 ont laissé des traces, ou plutôt elles sont loin encore d’être entièrement terminées. Dans cette crise qui se prolonge outre mesure, le Danemark s’est distingué par sa sagesse politique autant que par son courage militaire. C’est depuis 1848, avec le Piémont, le seul pays de L’Europe qui ait su obtenir le régime parlementaire sans le demander à la démagogie. Peut-être l’un et L’autre ont-ils dû la paix intérieure dont ils ont joui à la guerre extérieure qu’ils ont eu à soutenir. Toujours est-il que le Danemark comme le Piémont, doté par son roi d’une constitution libérale, n’a usé qu’avec prudence des institutions qui lui ont été données, et, à défaut d’autres considérations, cette circonstance suffirait pour intéresser l’Europe en faveur du Danemark. Ses affaires toutefois ont aussi un intérêt international auquel on ne saurait rester indifférent. Les difficultés contre lesquelles il se débat aujourd’hui sont encore le résultat de cette malheureuse question des duchés, qui menace de ne pas finir. On sait que le gouvernement danois, cédant à l’action de la Prusse et de l’Autriche, avait accepté les arrangemens qu’elles prétendaient lui dicter pour la réorganisation administrative des duchés dans leurs rapports avec le royaume. Un ministère