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Voilà donc une des difficultés qui ont un moment plané sur l’Europe en ces quelques jours que nous venons de traverser. Cette complication est entrée aujourd’hui, nous le disions, dans une voie nouvelle, voie de pacification et de conférences où la France a très certainement une politique à maintenir et à sauvegarder. Son influence extérieure y est attachée, et par là c’est sa situation dans le monde qui est en jeu. Quant à l’intérieur, là aussi il est évidemment des questions qui, par les intérêts auxquels elles touchent, par le retentissement qu’elles ont dans les esprits et dans les consciences, s’élèvent naturellement au-dessus de toutes les autres. On sait les incidens récemment survenus dans ce qu’on pourrait appeler notre état religieux. Condamnation prononcée par M. l’archevêque de Paris contre un journal, recours devant le saint-siège, débats irritans au sein de l’épiscopat lui-même, conflits d’opinions et de tendances, tout cela est aujourd’hui soumis à l’autorité du souverain pontife, qui vient de nommer une commission composée de plusieurs prélats, parmi lesquels se trouve le cardinal Antonelli, pour émettre un jugement sur le journal l’Univers. Si ces démêlés ont une importance réelle au fond, c’est surtout par la situation qu’ils caractérisent, par les tendances qu’ils révèlent, par tout un mouvement dont ils sont l’expression, mouvement bien plus profond que des polémiques sans durée, et qui touche parfois aux conditions les plus vitales, les plus essentielles de la société. Il s’est produit dans ces derniers temps assez de symptômes de ce travail singulier et ardent ; mais la question religieuse vient de prendre une face nouvelle dans un débat qui s’est ouvert récemment. Il ne s’agirait de rien moins que d’un changement radical dans une des dispositions fondamentales de notre droit civil concernant le mariage. C’est M. Sauzet qui livre cette pensée à la discussion dans une brochure publiée sous le titre de Réflexions sur le mariage civil et le mariage religieux en France et en Italie. L’honorable ancien président de la chambre des députés fait aujourd’hui avec une brochure le bruit qu’il n’a point fait le 24 février ; il profite des loisirs qu’il a contribué à se créer, comme, bien d’autres, dans ce terrible vide fait devant une poignée de révolutionnaires, pour rechercher en Italie les réformes dont nos lois sont susceptibles. On sait quelle est aujourd’hui la législation française : elle institue le mariage civil en dehors de toute consécration religieuse ; elle ne prescrit rien même à l’égard de celle-ci, elle en est simplement indépendante. Elle repose sur deux principes, la séparation des pouvoirs et la liberté de conscience. D’une part, la société règle par son autorité propre un des actes les plus importans de la vie civile ; de l’autre, elle laisse à chacun le soin de faire consacrer religieusement son union. Faut-il maintenant changer cette législation en subordonnant le mariage civil au mariage religieux et en rendant celui-ci obligatoire ? La société le doit-elle, et cela est-il utile à la religion elle-même ? En outre, une longue pratique de la législation actuelle fait-elle éclater manifestement la nécessité de cette réforme ? Ce sont là malheureusement des points trop peu approfondis dans la brochure de M. Sauzet. Quand la loi civile règle un acte comme le mariage, quel est son devoir à l’égard de la loi religieuse ? Elle lui doit de ne point être une infraction essentielle au principe, religieux du mariage. Or ce principe, c’est incontestablement l’indissolubilité, et cette indissolubilité est inscrite dans la loi française. L’indis-