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l’astronomie à des découvertes qui ont perfectionné la navigation, et si un grand physicien, — pourquoi ne le dirais-je pas, quoique ce physicien soit mon père ? — si un grand physicien n’avait créé, avec l’électricité, des aimans artificiels, sans autre but que de poursuivre des découvertes toutes théoriques, l’on n’aurait pu construire ces télégraphes électro-magnétiques dont les fils traversent les États-Unis dans toutes les directions et permettent à un négociant de New-York de faire, pendant la durée de la bourse, des opérations sur les cotons de la Nouvelle-Orléans. C’est ce qui fait que, à part un intérêt de famille bien naturel, j’étais très curieux de voir l’appareil inventé par M. Page pour remplacer la vapeur par l’électro-magnétisme, bien que son procédé ne soit pas encore applicable, dit-on, à cause des frais qu’il exige. D’autres essais du même genre ont été tentés en Europe ; mais aucun, je crois, aussi en grand. La machine de M. Page est d’une force de huit chevaux, la roue et l’arbre qui la met en mouvement ont la dimension de la roue et du piston d’une locomotive ordinaire de chemin de fer. On sait les avantages qu’aurait l’électricité substituée à la vapeur : d’abord plus d’explosions, ce qui serait un grand changement partout, surtout aux États-Unis ; plus de masses de charbon de terre à embarquer sur les bateaux qui traversent l’Océan, ou à transporter dans les pays où manque ce combustible ; puis au lieu de cette noire et infecte fumée qui incommode les voyageurs, de brillantes étincelles jaillissant des roues, et qui, dans la nuit, offriraient le plus beau spectacle. C’est alors qu’on voyagerait réellement comme la foudre quand un wagon fuirait environné d’éclairs[1].

J’ai toujours l’espoir qu’en se perfectionnant, les découvertes modernes, auxquelles on reproche justement d’être plus utiles que belles, pourront joindre à leurs avantages le mérite de la beauté. Les gares et les viaducs sont en certains endroits des œuvres d’art. On a annoncé en Écosse un moyen de faire disparaître la fumée, accompagnement si disgracieux des locomotives et des bateaux à vapeur ; déjà les dimensions que ceux-ci atteignent maintenant rend cet inconvénient beaucoup moins sensible. À l’avant ou à l’arrière d’un de ces grands bâtimens, on n’entend plus le fracas de la machine ; la trépidation désagréable qu’elle imprime est beaucoup moins sensible ; la fumée disparaît souvent au milieu des voiles, l’hélice débarrasse de ces roues qui gâtent les lignes du bâtiment, comme des paniers

  1. En ce moment, la découverte de M. Ericson, qui substitue à la vapeur l’air dilaté par la chaleur, fait une immense sensation en Amérique. Les premières expériences semblent avoir réussi. La diminution du combustible employé est considérable. La vitesse a été jusqu’ici inférieure à celle des bateaux à vapeur ; mais M. Ericson annonce qu’avec des tubes à piston d’une dimension plus grande il remédiera à cette infériorité. Espérons et attendons.